Ce rôle doit s'analyser dans la durée de la guerre, à cause de son industrialation et être situé à côté du rôle des civils masculins dès que la guerre longue s'annonce dès l'automne 1914, lors de la formation d'un front continu.
Dans ce cadre général, le rôle des femmes est déterminant à la campagne comme à la ville.
Le roman d'Ernest Pérochon, publié en 1924, "Les Gardiennes" aborde celui des femmes rurales. A la campagne, il n'y a pas de rupture avec la période antérieure : les femmes continuent de s'occuper de la maisonnée et de la ferme. Mais, en plus de ces activités traditionnelles, avec la guerre, elles sont amenées à assumer de nombreux travaux jusque-là réalisés par les hommes - labours , fenaison, moisson...- sans disposer jusqu'en 1917 au moins des services des forgerons et des charrons ; souvent s'y ajoute la gestion de l'exploitation.
Mais, au-delà de ces fortes contraintes économiques, les paysannes subissent de fortes conséquences sociétales : la mort d'un mari ou celle d'un fiancé... la chute de la nuptialité... obligeant nombre de jeunes filles à se tourner vers la ville où d'autres professions s'offrent à elles (par exemple, infirmières pour les nombreux hôpitaux temporaires installés partout y compris dans les plus petites cités).
Le rôle des femmes urbaines est très différent, bien plus varié et bien plus complexe : bonnes et autres servantes mais aussi travail à la chaîne dans l'industrie de guerre comme pour tourner les obus. Ce sont les les célèbres "munitionnaires" dont le rôle est souligné par la propagande. Celle-ci ne montre pas, hélas, l'envers du décor: les journées de 10 à 12 h, toute la semaine, plus un dimanche sur deux...Le travail mal rémunéré des ouvrières "en chambre" et les "travailleuses indépendantes"...
On perçoit aussi le déclassement social des classes moyennes dans lesquelles les femmes sont obligées de travailler. A l'inverse, les femmes "des profiteurs de guerre" font étalage de leur nouvelle richesse , et pas seulement à Paris... Et ceci sans compter les nombreuses femmes au plus bas niveau de l'échelle sociale amenées à se prostituer...
Et pourtant, à l'issue de la Grande Guerre, les femmes sont les grandes oubliées des politiques. Pour preuve, elles n'obtiendront le droit de vote qu'à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en avril 1944...
Cette conférence a été proposée par Jules MAURIN , professeur émérite (Université Paul Valéry, Montpellier III), spécialiste de l'histoire du Languedoc, d'histoire sociale et militaire, devant plus de 80 auditeurs ; les locaux du CERBB se révélant encore une fois bien exigus !
Qu'il soit remercié pour son érudition et le fidèle intérêt qu'il porte à l'association.
Jules MAURIN reçoit des mains de M. Laurent Suau, maire de Mende, un exemplaire de l'ouvrage "Emile Joly. Notes au jour le jour . Après 21 mois de guerre" , édité par la commune de Mende et dont il a signé une brillante préface !
Pour aller plus loin...
* Ouvrage collectif dirigé par MORIN-ROTUREAU Evelyne, Combats de femmes 1914-1918. Editions Autremant, janvier 2014.
* MORIN-ROTUREAU Evelyne , Françaises en Guerre 1914-1918. Editions Autrement, octobre 2013
* MASSIOT Anaïs et PIGEARD-MIGAULT, Marie Curie et la Grande Guerre. Editions Glyphe, 5 mai 2014, 82 pages.
* HIMBERT Marie-Noëlle, Marie Curie : Portrait d'une femme engagée (1914-1918). Actes Sud Editions, 5novembre 2014, 221 pages.
* Film "Les Gardiennes" de Xavier BEAUVOIS, décembre 2017 en libre adaptation du roman éponyme d'Ernest PEROCHON, 1924.
* MAURIN Jules, Armée, guerre, société. Soldats languedociens (1889-1919). Les Classiques de la Sorbonne, 2013, 750 pages.
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