Compte-rendu de la sortie :
Le mercredi 29 juin, de très bonne heure, cap sur les pays d’Auvergne pour la cinquantaine d’adhérents ou amis du CER Benjamin Bardy de Mende.
Le Puy, ville historique et haut lieu de pèlerinage aux trois célèbres pitons volcaniques, flèches christianisées dominant ce bassin. Puis, pas très loin, la forteresse de Polignac (XI°), témoin de la vie tumultueuse de ces vicomtes héréditaires du Velay qui en prirent le nom.
Soudain, jaillie comme de nulle part sur ces hautes et rudes terres granitiques, une abbatiale imposante, de style gothique languedocien : celle de la Chaise-Dieu ! La tour Clémentine, puissante tour de défense, encastrée dans l’abside, en renforce l’aspect massif.
Sur le parvis, la statue de Robert de Turlande (1001-1067), St Robert, moine fondateur de l’abbaye bénédictine. Mais l’édifice doit sa construction, au XIV°, à Pierre Roger (1292-1352), devenu le pape avignonnais, Clément VI, véritable mécène du monastère où il sera inhumé selon sa volonté dans un tombeau à l’imposant gisant de marbre blanc.
L’intérieur lumineux et élégant de l’abbatiale se révèle d’une richesse exceptionnelle : un jubé aux trois arches soutenant une balustrade, 144 stalles avec « des miséricordes » et des « culs de lampe » très imaginatifs, un buffet d’orgue en bois de pin… Mais c’est surtout l’extraordinaire fresque dite de « la danse macabre » qui retient l’attention : défilé de 46 personnages répartis en couples de 23 morts ou « transis » et 23 vifs, représentant, eux, l’ordre hiérarchique de la société médiévale. Belle leçon rassurante d’égalité devant la mort !
La restauration progressive de l’ensemble s’achèvera en 2018. La « salle de l’écho », le cloître, les 14 « draps imagés »…seront à nouveau offerts aux visiteurs.
Aujourd’hui, le bourg casadéen abrite encore quelques maisons - comme la Maison de la Cloze - aux façades médiévales. Mais, ce qui en fait la renommée internationale, c’est son Festival de musique.
Enfin, Montpeyroux ou « Mont Pierreux ». Dominé par un donjon circulaire du XII°, ce village perché sur son mont brille de sa pierre d’arkose et offre un panorama d’exception. Longtemps prospère grâce à la culture de la vigne, puis quasiment ruiné et abandonné, il connaît une renaissance dans les années 60 pour obtenir en 1989 le label de «Plus beaux villages de France ».
De pays vellave jusqu’en puydômois, en passant par le Livradois, le périple auvergnat du CER Benjamin Bardy fut l’occasion de re-découvertes ou de belles découvertes patrimoniales !
Pour en savoir plus...
La Chaise-Dieu
Sur ce plateau, voici que surgit une vaste abbatiale à la masse imposante et qui semble écraser les maisons de la bourgade blottie autour d’elle…
En 1043, dans ce lieu, Robert de Turlande(1001-1067) vint se retirer en compagnie de deux compagnons – Etienne et Dalmace – ils le nommèrent «Casa Dei » ou « Maison Dieu » d’où le nom de Casadéens attribué ensuite aux habitants. Il fut autorisé par le Pape Léon X en 1052 à l’ériger en abbaye sous la règle de saint Benoît.
L’ensemble abbatial comprend, outre l’église, la Tour Clémentine (« tour de la trésorerie » ou « tour du revestiaire ») puissante forteresse qui servait à la fois de donjon à l’église, de grenier d’abondance, de trésor des reliques et de refuge en cas de siège.
Le cloître, centre du monastère, n’a plus que 2 côtés (nord et ouest). Construit au XV°, de style gothique flamboyant, il remplaçait l’ancien cloître roman voulu par saint Robert.
D’autres bâtiments s’y ajoutent comme la chapelle des Pénitents (ancien réfectoire des moines) et des salles actuellement en rénovation (salle dite de l’écho, salle Picasso…)
(Cliquer sur les vignettes bleues ci-dessous pour davantages de détails...).
L'abbatiale vue extérieure
L'abbatiale vue intérieure
Le jubé
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Au début du XIV°, les ambons furent remplacés par des galeries hautes ou « jubés ». Celui de La Chaise-Dieu est une lourde construction du XV° séparant la nef proprement dite du chœur des moines.
Trois arceaux en accolade soutiennent la balustrade. Il est surmonté d’un grand Christ, œuvre d’un frère novice nommé Jean Bonnefoy. Le fût de la croix porte la date de 1603 et les armes de l’artiste. Une Vierge et un Saint Jean , du XV° , l’entourent.
Le gisant de Clément VI
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Pierre Roger de Beaufort est né en 1291 à Maumont en Limousin. Après avoir obtenu en 1323 la maîtrise et la licence en théologie , il revint en Auvergne où il gravit rapidement les échelons de la hiérarchie ecclésiastique : d’oblat bénédictin il devint prieur, puis abbé avant d’être nommé évêque d’Arras , archevêque de Sens puis cardinal. Le 7 mai 1342, il fut élu Pape par le conclave et prit le nom de Clément VI.
Pape en Avignon où il mourut le 6 décembre 1352, il avait souhaité être inhumé à La Chaise-Dieu. Sa dépouille n’y parvint que le 8 avril de l’année suivante. Cousu dans sa peau de cerf, le corps fut déposé sur des barres de fer dans le caveau creusé au milieu du chœur, sous une voûte en pierres de taille parsemée de croix et de roses d’or. Trois planches superposées supportaient le monument dont l’ensemble fut mutilé en 1562.
Œuvre de Pierre Roye et de ses aides Jean de Sanholis et Jean David, le mausolée dont on ne voit actuellement que la pierre noire sur laquelle repose le gisant en marbre de Carare, était monumental. La danse macabre
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« La Danse macabre »*
Fresque allégorique sur fond rouge et sol jaune, elle a été peinte vers 1460-1470 (forme des costumes et chaussures à la poulaine) sur une longueur de 26 m en une sorte de triptyque dont les panneaux sont séparés par les piliers ; elle occupe les 5°,6° et 7° travées du collatéral gauche de l’abbatiale.
Ses 46 personnages , d’environ un mètre de hauteur, sont répartis en 23 vivants ou « vifs » et 23 morts ou « transis » dans un défilé de couples….Un mort nu ou parfois drapé dans un linceul, le corps stylisé , emmène un vivant dans un geste d’invitation à la danse, sans bousculade , sans méchanceté à l’exception d’un geste dur au 2° panneau près du riche et , au 3°, l’attitude empreinte de tristesse de la Mort saisissant un enfant avec une certaine résistance chez la mère.
Chaque « vif » représente , lui, l’ordre hiérarchique de la société médiévale : du Pape à l’évêque, du chevalier au jeune damoiseau, du poète au moine, du riche marchand au paysan, de la jeune dame à la mère au petit enfant…
La fresque s’achève par un geste significatif : un « transi », planté sur ses longues jambes, face au visiteur, tend la main devant son visage et, montrant le cortège, semble lui dire « à ton tour maintenant » ! Ainsi cette « danse macabre » est-elle une leçon d’égalité devant la mort – nul n’y échappe – mais qui, paradoxalement, rassure car elle est aussi présentée comme la promesse d’une vie nouvelle et éternelle…
« La Danse Macabre s’appelle
Que chacun à danser apprant
A l’homme et femme est naturelle
Mort n’espargne petit ni grant. »
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*« Danse Macabre » ou « Danse des Morts »
- « danse » : en souvenir des processions dansantes d’autrefois.
- « macabre » : du mot arabe « magberah » = cimetière
du mot celte « malcabrè » = très sombre, très triste
« Macchabœrum chora » = danse des Macchabées
(Avis divers sur l’étymologie du mot)
Les stalles
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Au nombre de 144, ces boiseries en chêne peuvent être datées de la fin du XIV°. Là, le(s) sculpteur(s) flamand(s) ou non, ont laissé le champ libre à son (leur) imagination : poissons à tête de chien, chimères, moines accroupis dans des attitudes grotesques ou ridicules…tout est satire des travers sociaux, du despotisme et des vices de l’époque !
Les « Miséricordes » (demi-sièges sous les talles) et « les culs de lampe » forment un admirable ensemble très original où, là encore, les artistes proposent des « images » hardies et satiriques ! Le buffet d'orgues
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Il occupe toute la largeur de la nef médiane. Le buffet, en cœur de pin, est l’œuvre du sculpteur COX (moine d’origine flamande ?) et date de 1683 (sur la guirlande courant sous le balcon).
L’orgue proprement dit fut complété e, 1736-1737 par Martin CAROUGE, facteur d’orgues à Paris. La Révolution le mutila ; il semble avoir sonné pour la dernière fois en 1791…
En ce milieu du XX°( années 1965-1966), le pianiste Georges CZIFFRA a lancé l’idée du Festival de musique de La Chaise-Dieu dans le but de restaurer les orgues et a fait don de ses cachets. Une première restauration vit le jour pour s’achever en 1976. Une seconde en 1995 – grâce à l’Association Martin Carouge- fut confiée à Michel Granier , facteur d’orgues
Ainsi, cet instrument exceptionnel a retrouvé une couleur, une présence que chacun
peut apprécier… Sources et informations
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-Bibliographie :
• « L’Abbaye de La Chaise-Dieu ». J.Lespinasse et L.Grand
• « L’Abbaye de La Chaise-Dieu. L’Abbaye en Auvergne et son rayonnement dans la chrétienté. Pierre-Roger Gaussin ( Editions Cujas .Paris 1962)
• « L’Abbaye de La Chaise-Dieu, Mille ans de présence religieuse »Jacques Bellut. Préface de Mgr Rincard, évêque du Puy-en-Velay ( Editions Créer.Brioude 2011)-Site Internet :
• www.abbaye-chaise-dieu.com
( Association des Amis de La Chaise-Dieu)INFORMATIONS
50° Festival de musique de La Chaise-Dieu : 18-28 août 2016Journées de l’orgue : 12-14 août 2016
Suite de la sortie culturelle
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Montpeyroux
Ou « mont pierreux », le village perché surplombant la Limagne et la vallée de l’Allier avec, au loin, la chaîne des Puys, le Sancy et les Monts du Cantal, peut s’enorgueillir de plus de mille ans d’histoire !
Ce promontoire de grès blond (« arkose ») servit de carrière dès le début du XII° pour bâtir les villages et bourgs aux alentours et des édifices plus prestigieux comme l’abbatiale d’Issoire. La dernière carrière exploitée jusqu’en 1935 ne produisait plus que des meules de moulin.
Au XIX°, Montpeyroux connaît une indéniable prospérité grâce à la culture de la vigne comme en témoignent les habitats vignerons (ex maison de la rue des Pradets) et les anciennes maisons bourgeoises. Mais, de 1890 à 1927, les effets conjugués de la crise viticole due au phylloxera et de la première guerre mondiale, font chuter le nombre d’habitants (570 à 181). Quasiment ruiné et abandonné, le village va « renaître » dans les années 60 et obtenir en 1989 le label « Plus beaux villages de France ». La viticulture repart grâce à des producteurs passionnés, les maisons sont restaurées et artistes et artisans s’y installent.
Mais, Montpeyroux c’est surtout cet ancien village médiéval dont l’enceinte fortifiée demeure mystérieuse. La seigneurie fut confiée en fief par Philippe Auguste aux prestigieux seigneurs de la Tour d’Auvergne. Ainsi, Madeleine de la Tour d’Auvergne épouse de Laurent de Médicis en hérita tout comme leur fille Catherine de Médicis et sa propre fille Marguerite de Valois (« La Reine Margot ») .
L’imposant donjon circulaire (XIII°) à la plate-forme crénelée veille toujours du haut de ses 30m …Le porche du XIV° accueille toujours habitants et visiteurs…Le labyrinthe des ruelles et les passages voûtés offrent des découvertes inattendues avec des éléments de réemploi comme des linteaux, encadrements médiévaux sculptés, clés d’arc ou pierres gravées d’une date, appuis moulurés du XVIII°…
Une échappée belle !
Texte : © P.Oziol. Photos : © L.M.Bonnal / © CERBB