Juin, temps des voyages scolaires mais aussi des sorties patrimoniales du Centre d'Etudes et de Recherches Benjamin Bardy !
La domination romaine a laissé tant et tant de traces importantes dans la région que, pour qui veut connaître toute la splendeur de cette civilisation, un "pélerinage" à la vieille cité de Nemausus s'impose indubitablement...Ainsi, la Rome française, la ville aux sept collines autrement dit Nîmes, fut donc, la destination tout naturellement choisie !
Mais , "Nîmes, on connaît", me direz-vous ! Sauf que nos deux guides conférencières, nîmoises d'adoption, Martine REBOUL (lozérienne de Cubières) et Francine CABANE (originaire des Hauts- de- France) nous réservèrent bien des surprises et des découvertes inattendues...même pour plusieurs membres du groupe ayant vécu de longues années dans cette belle ville ! Remettons notre compte-rendu dans les pas du groupe lozérien ce mercredi 6 juin, journée ensoleillée avec encore une chaleur tout à fait agréable...
La gare, point de départ de la balade nîmoise !
La première gare , appelée alors "embarcadère", est établie en 1839 à l'est de la ville, dans le quartier Richelieu aménagé dans la première moitié du XVIII°. A la demande des commerçants qui la jugeaient trop excentrée par rapport au centre-ville, une deuxième gare, l'actuelle, est alors construite au sud, entre 1840 et 1844; toute en hauteur par crainte des inondations fréquentes (et ce depuis le Moyen-Âge) ! Sa façade monumentale (plus de 100m) est rythmée par 2 niveaux de 19 arcades dans un style résolument néoclassique. Les grands frontons sont des ajouts postérieurs à 1947 quand l'ancienne marquise fut démolie pour l'électrification de la ligne.
De là, très belle perspective sur la ville : l'avenue Feuchères du nom du baron qui légua sa fortune à la ville pour l'embellir où la bourgeoisie commence à construire de beaux hôtels particuliers, la fontaine Pradier et, au loin, la Tour Magne...
Le groupe sur l'avenue Feuchères
Dans les pas de notre guide Martine Reboul, nous commençons la visite par la fontaine Pradier.
La Fontaine Pradier, du nom de son sculpteur, est inaugurée en 1851 et classée Monument historique en 1988. Allégorie représentant la ville : une femme couronnée de la Maison Carrée et des Arènes. Les 4 statues qui l'entourent symbolisent les 4 cours d'eau "traversant" la ville.
Les Arènes, l'un des monuments emblématiques de la ville !
Datant de 90 - 120 ap.JC, ce sont les mieux conservées de tous les pays de la Romanité mais elles sont, néanmoins, "malades" et en cours de restauration. Cet amphithéâtre présente 2 séries d'arches et il a vu combats de gladiateurs ( Nîmes en étant une grande école), jeux romains et même batailles navales. Depuis 1855, s'y déroulent corridas et courses camarguaises et de nos jours, spectacles, concerts...
La statue du torero Christian Montcouquiol "Nimeño II"
Dans le mur d'enceinte une pierre sculptée : Romus et Rémus, jumeaux nouveau-nés abandonnés sont recueillis par une louve qui les allaite ; histoire légendaire de la fondation de Rome...
Depuis quelques mois, tout à côté, est ouvert le Musée de La Romanité. ( Arènes, et ce musée feront sans doute l'objet d'une autre sortie du CERBB !!!).
Tout à côté , trône l'imposant Palais de Justice maintes fois rebâti mais toujours au même endroit depuis le XVI° ! Nîmes était une "plaque-tournante" de la Justice, rendant même celle du Gévaudan. La Maison d'Arrêt qui le jouxtait a été détruite en cette fin du XX° . Ses colonnades , tout comme les maisons construites dans ce périmètre, rappellent la Romanité !
La cathédrale
Consacrée à Saint Castor et à Notre-Dame.
Saint Castor est né à Nîmes et fut le fondateur du monastère de Saint-Faustin à Manonchal (près d'Apt) avant d'être désigné évêque. La chapelle Notre-Dame du Rosaire offre un style baroque du XVII° et fut la première en France consacrée à l'Immaculée Conception.
L'édifice n'a rien à voir avec l'édifice primitif, tant il eut à subir ravages ( XII° notamment), reconstructions (1621 par l'architecte Pablo Dalbonas) et restaurations successives . Depuis 1906, il est classé Monument Historique. Le palais épiscopal tout proche appartient à la commune et l'évêché est ailleurs dans la ville. Clocher avec 9 cloches et orgue datant de 1643, oeuvre des 2 frères, Gaspard et André Eustache.
Comment ne pas évoquer les luttes fratricides des Guerres de Religion à propos de Nîmes ? En effet, face à la déliquescence du catholicisme, la ville (comme beaucoup d'autres dans le sud de la France) a très vite basculé, après La Réforme proposée par Martin Luther, vers le protestantisme qui concentrera à la fois le pouvoir politique mais aussi économique dans la région. De 1534 à 1560, 80% des habitants deviennent protestants. A partir de là, les exactions commencent de part et d'autre - destructions dans la cathédrale, "Michelade" (150 nobles massacrés)...- et traumatisent les 2 côtés. Se cacher, se convertir ou s'exiler sont les 3 "choix" offerts aux protestants. Charles IX permet la construction de grands et petits temples. Les tensions s'apaisent...
(Scoop de Martine Reboul, notre guide : il semblerait que la 1° église de Nîmes soit en passe d'être "retrouvée", excentrée, dans la rue Sainte-Perpétue ; sa datation est en cours ! A suivre !)
Frise médiévale au fronton de la Cathédrale Saint-Castor
La Maison Carrée : qui n'a de "carrée" que le nom !
Temple du forum de la ville, bâti entre 10 av.JC et l'an 4 sous le règne d'Auguste qui le dédie à la gloire de ses 2 petits-fils , Lucius Caesar et Caius Julius Caesar.
Edifice hexastyle corinthien et pseudo périptère : 13,54m de large sur 26,42m de long, 30 colonnes de 9m de haut.
Son histoire post-romaine est très mouvementée : tour à tour, maison consulaire, maison d'habitation, écurie, église, préfecture, lieu d'expositions...Il est quasiment miraculeux qu'il soit parvenu à ce ce jour en si bon état; temple le mieux conservé du monde romain.
Sa restauration s'est achevée en 2011 après plusieurs années de travaux avec notamment une nouvelle toiture, reproduction fidèle de l'original antique : grandes tuiles plates (tegulae) et tuiles-canal (imbrices) moulées à la main.
Direction les Jardins de la Fontaine pour la pause repas
Les estomacs commencent à crier famine et nous voici aux Jardins de la Fontaine pour le pique-nique après l'apéro. - avec modération - généreusement offert par le CER ! Pause très agréable avant que Francine Cabane ne prenne le relais de Martine Reboul pour l'après-midi...Et c'est reparti...
Les Jardins de la Fontaine
Ce lieu est d'abord un sanctuaire des peuples celtes pour célébrer le dieu Nemos des Gaulois.
Les Romains, avec le général Domitius puis Jules César, font de la cité "une colonie latine avec ses propres droits" et Auguste (25 av.JC) procède à son embellissement, l'entourant de 6 km de remparts avec 2 lieux très importants : un lieu de culte sur ce même sanctuaire et le forum autour de la Maison carrée dont l'entrée devait se trouver à l'emplacement du nouveau musée. Ce lieu de culte impérial - "Augusteum" - rendu à Rome et à la famille impériale était l'un des plus grands du sud de la Gaule et le théâtre de grandes manifestations religieuses célébrant le dieu Nemausus avec d'autres dieux romains.
Le lieu est complétement oublié durant tout le Moyen Âge et pendant la sinistre période des Guerres de Religions qui ensanglantèrent la région.
Au XVIII°, sous l'impulsion de Jean Philippe Mareschal des fouilles sont entreprises et l'on "retrouve" le site antique. Dès lors, il est aménagé en grand jardin classique " à la Française" ; de magnifiques grilles en fer forgé en marquent les entrées. Aujourd'hui, il est classé "Jardin remarquable".
Le Temple de Diane : "une énigme"...
Situé près de la source, c'est le seul monument connu de cette forme (double voûte...) dans l'Empire romain ! Au vu de son emplacement, peut-être un sanctuaire centré sur la source et le nymphée ? Peut-être un "sas" avant d'entrer dans le lieu de culte ? Peut-être un lieu de méditation ?
La Tour Magne ou "Tour Grande"
Pour les Gaulois, une "tour signal" pour indiquer le chemin de la source. Pour la période romaine, elle fait partie des remparts. L'intérieur plein a été évidé au XIX°.
32, 5 m de haut aujourd'hui.
Le gardien sonnait la cloche pour annoncer la fermeture des grilles.
En route pour d'autres trésors autres que romains et la découverte de la Nîmes du XVI° au XIX°...
Les quais de la Fontaine et leurs demeures bourgeoises
Ce quartier comprenait 4 moulins et des jardins potagers avant que ne soient aménagés ces quais à partir de 1750, en même temps que les jardins. Peu à peu, s'édifient des demeures bourgeoises toutes "calquées" sur la "Maison du Fontainier" : belles façades harmonieuses, balcons et fer forgé, portes massives...
Le Grand Cours et ses hôtels particuliers
Le "Cours neuf" ou "grand cours" ou "cours Jean Jaurès" devient alors le quartier industriel et commerçant de la ville. Sous l'impulsion de Frédéric Gérard, bourgeois protestant très cultivé, banquier, ami de Guizot et maire 6 fois réélu (1832-1848) de nombreux aménagements voient le jour : l'avenue Feuchères, la Gare, le Palais de Justice...
Les hôtels particuliers, élégants et majestueux même dans leur sobriété pour certains, témoignent de cette prospérité nîmoise.
Hôtel particulier du Dr Cincinnatus Fontaine : bâti et conçu par l'architecte Gaston Bourdon sur le modèle de la villa paladienne ; pigeonnier, lavoir privé, écurie et pour l'intérieur, salon XIX° avec papier peint "chinoiseries"...
A l'arrière, les dépendances.
Maison natale d'Alphonse Daudet.
Hôtel Ausset : XIX° sur 3 étages; à remarquer les cariatides.
Rue Dorée : étroite ruelle pittoresque avec l'Hôtel de l'Académie à la magnifique cour intérieure après un passage voûté où trône l'habituel puits; les éléments du décor de la galerie réemploient du romain; au-dessus de la porte, l'inscription " CNE QUID NIMIS".
Rue Dorée
Visite de l'Hôtel de l'Académie
Intérieur de la cour.
Hôtel de Sabran : 1720 ; les éléments de décor rappellent la Maison carrée...
Un peu de fraicheur dans ce patio verdoyant
Nîmes médiévale et gothique
Maisons gothiques Rue des Marchands : l'une, originale avec ses 2 arcades au rez-de-chaussée qui abritaient les commerces et ses fenêtres à meneaux; l'autre au très beau décor reprenant la frise du théâtre antique d'Arles.
L'Hôtel de Ville et son "jumeau" en face L'Hôpital Méjean.
* Bâti sous Louis XIV en pierre de Beaucaire, selon les plans de l'architecte parisien Daviller, il présente , en plus des armes de la ville, 9 travées et un balcon en fer forgé .
* Lieu d'étape pour les pélerins de Saint-Jacques-de-Compostelle, il offre au regard une magnifique horloge, référence pour les trains au XIX° et un original jacquemard égrenant inlassablement chaque heure...
Jaquemard restauré par l'entreprise Poitevin, spécialiste des carillons.
Entrée de la Mairie
Les crocodiles de l'Hôtel de Ville
Comment ne pas rendre hommage à nos guides d'un jour, souriantes et passionnées pour faire découvrir ou re-découvrir Nîmes mais surtout d'une érudition incomparable. Si la journée fut belle - les dieux de la méréo furent avec nous - et surtout très enrichissante culturellement, c'est bien à elle que nous le devons !
Un ouvrage de référence : "Nîmes illustre et secrète" de Francine CABANE, Danièle JEAN, CamillePONCHIRAT aux éditions Alcide.
Pour "Les crocodiles de l'Hôtel de Ville de Nîmes" par Maxime de Montrond : https://www.persee.fr/doc/bec_0373-6237_1853_num_14_1_445427
" Le Nîmois est à demi romain "Gal, amant de la Reine,
Sa ville fut aussi la ville aux sept collines... Alla, tour magnanime,
Un beau soleil y luit sur de belles ruines Galamment de l'Arène
Et l'un de ses enfants se nommait Antonin." A la Tour Magne, à Nîmes !"
(REBOUL, poète nîmois) (Fabliau nîmois du Moyen Âge)
- Les armes de la ville-
Nîmes, devenue après la campagne d'Egypte " Colonia Nemausus ou Nemausa ou Nemausensis" arbore sur son blason un crocodile attaché à un palmier avec les mots COL NEM.
Ce sont les nouvelles armoiries concédées par François 1° en 1535. Pour l'anecdote, le crocodile est censé représenter la salamandre, emblème de ce roi venu à Nîmes pour une fête dans les arènes !
Les armoiries de la ville: balcon de la mairie
Texte : © Pierrette OZIOL et photos © Daniel MATHIEU et © CERBB.
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Savez-vous que l'histoire du Jean's est associée à Nîmes ?
La ruée vers l'or en Amérique...
Lewiss Strauss quitte l'Allemagne avec son associé. Celui-ci part pour Gênes et lui-même pour Nîmes, les deux lieux où sont fabriquées des toiles de bâches qu'ils achètent en grand nombre. Ils se rejoignent à Bordeaux alors port d'embarquement pour l'Amérique.
Arrivés sur les lieux principaux des départs de la "ruée", ils vendent leurs toiles pour les chariots des "migrants" vers l'or. Quelques mois après, ils rejoignent les lieux où des mines d'or sont exploitées. Lewiss Strauss reprend les toiles de bâches aux mineurs installés sur place ; il taille alors dans ces solides toiles des pantalons de travail ...solides ! Les toiles sont cousues avec des fils résistants sans rapport avec la couleur des dites toiles (c'est la solidité des fils qui compte; peu importe la couleur utilisée!). Les principaux points sollicités sont renforcés par des clous tordus et, plus tard, par des rivets et des boutons métalliques rivetés aussi...Les Jean's sont nés !!!
Leur dénomination est un mélange de la provenance des toiles et de leur créateur:
Le "jean's" → de Gênes
"Denim" → de Nîmes
"Les Lewiss" → de Lewiss Strauss
Au Musée du Vieux Nîmes, une salle est consacrée à l'histoire des Jean's et, cette année 2018, une exposition y est, de plus , visible jusqu'en septembre : "Denim d'Oc".
(Texte © Brigitte THOMAS)