Même si la sortie-patrimoine du CERBB ne s'est pas faite à la date officielle des journées 2018, elle n'en a pas moins honoré
le thème "L'art du partage" en allant à la découverte de véritables "trésors" dans le canton de La Canourgue et environs...
L'église de La Capelle
Lovée au creux d'un vallon du Sauveterre, elle a été probablement érigée après le XII° et dédiée - comme celle de La Canourgue - à Saint-Martin.
De style roman remanié au cours des siècles : * nef à 3 travées, voûtée en berceau plein cintre,
* arcs doubleaux et arc triomphal sont soutenus par des colonnes romanes engagées,
* abside en hémicycle à 5 pans et voûtée en cul de four.
Des chapelles ont été ajoutées au XVII° et XVIII°. Le clocher carré à flèche, construit au XIX°, remplace un petit clocher-mur dont les traces ont été retrouvées au-dessus de l'arc triomphal. A mi-hauteur de la première travée de la nef, une imposante tribune sur voûte vint achever les agrandissements du XVIII°.
Elle présente , comme d' autres églises lozériennes, quelques fresques murales sur lesquelles, hélas, le temps a fait son oeuvre. Ce sont les restes des décors successifs qui ont orné les lieux; les plus anciennes de la nef pourraient dater du XIV°; ces décors polychromes s'échelonnant probablement de la période médiévale jusqu'au XVIII°.
Une pierre sculptée au graphisme primitif et très naïf - peut-être un vestige d'une ancienne chapelle - représente un chasseur avec une lance et deux bêtes de part et d'autre. Celle de droite porte des bois ( cerf ?) mais aucune interprétation sûre n'a été donnée pour le moment...
Le domaine de La Vialette
A quelques centaines de mètres de cette originale et surprenante église de La Capelle, il est un parfait exemple d'un ensemble caussenard, patiemment aménagé par la famille Fages. Là, est né Henri CORDESSE , grand résistant et préfet de la Lozère à la Libération.
Cour intérieure
Tous nos remerciements à la famille Fages pour son accueil.
Superbe restauration de la charpente.
Le puits
Le four
La chambre d'Henri Cordesse
Lors de la restauration, l'ancien crépi a été partiellement préservé.
(photo du bas) Inscription énigmatique : "une femme tue ses cinq enfants"
Monsieur Fages a eu la gentillesse de nous ouvrir les portes de son "petit" musée du tracteur
L'église de La Piguière
Eglise construite en 1867 à l'initiative de l'abbé Albaret , située sur la commune de Saint-Georges-de-Lévéjac. Après avoir été église paroissiale du Sacré-Coeur de Jésus sur ordonnance épiscopale à partir de 1870 à 1963 ( paroisse supprimée en 1968), elle est à l'abandon de 1969 à 1979, année où "l'Association pour la sauvegarde de l'Eglise de La Piguière" se crée pour sa restauration afin de lui redonner son lustre d'antan - ce qu'elle a, d'ailleurs, magnifiquement réussi !
Caractéristiques : * église à vaisseau voûté en berceau brisé,
* choeur voûté d'ogives terminé par une abside semi-circulaire couverte d'une croupe ronde,
* chapelles de plan semi-circulaire,
* clocher-porche à flèche polygonale,
* couverture en voûte brisée en calcaire (lauzes).
Restaurations : * peintures : plafond du choeur peint en un ciel étoilé, décors d'arabesques et motifs géométriques peints au pochoir,
* vitraux la baignant de lumière,
* recomposition de la chapelle dédiée à Sainte- Philomène, l'une des plus illustres thaumaturges de l'Eglise.
De jolies découvertes : billet implorant la Sainte...pièce de monnaie Napoléon III...magnifiques chasubles XVIII°... bannières de procession , double face ( Remise du Rosaire / Adoration du Sacré-Coeur ; Saint-Privat / Adoration du Saint-Sacrement).
La chapelle Saint-Frézal (La Canourgue) et la chapelle Saint-Jean-du-Bedel (Montjézieu)
Deux joyaux,là aussi restaurés et entretenus par une association "L'Illustre Confrérie de la Pouteille et du Manouls".
* La première, peut-être du XI°, voit jaillir tout à côté une source (400litres/seconde) aux eaux propres à guérir des maladies de peau. Eglise paroissiale jusqu'en 1802.
- Selon la tradition, Saint Frézal, 12° évêque du Gévaudan fut assassiné par son neveu- Bucilinus - voulant s'emparer du diocèse, en 826 sur ces lieux et inhumé dans un sarcophage taillé dans une seule pierre de grès, devenu l'actuel autel. La datation scientifique des ossements est venue confirmer les vérités de la foi populaire : ces reliques pouvaient bien être celles du martyr, objet de la dévotion locale, décédé entre les années 659 et 984 apJC.
- Peut-être précédée par une autre chapelle elle-même remplaçant un temple païen, elle est typique de l'architecture romane rurale des modestes prieurés de la région, en parfait accord avec leur environnement paysager naturel et aux techniques de construction utilisant exclusivement savoir-faire et matériaux locaux.
.
- Nef à vaisseau unique (20m de long sur 5m de large et haute de 8,50m) , 4 travées ouvrant sur le choeur par un arc triomphal ; 8 colonnes ; abside avec cul de four ; côté sud, 3 modestes fenêtres...Le portail d'entrée en plein cintre est surmonté d'un oculus situé au sommet du mur pignon avec clocheton d'arcade au-dessus....Côté nord, à l'extérieur, des contreforts pour la protéger des eaux torrentielles du ruisseau.
La restauration, entreprise dans les années 1975 par la susdite association, a successivement porté sur la toiture (en lauzes), les joints intérieurs, les vitraux, le chemin de croix et quatre tapisseries retraçant la vie de Saint Frézal.
Découverte insolite lors de la restauration: peinture réalisée sous l'assise de deux bancs.
* La deuxième, d'époque inconnue, existait déjà en 1324 car un testament à cette date établit un don pour son luminaire...Rasée au XVI°, reconstruite imparfaitement, à nouveau ravagée en 1716 , déclarée avec son ermitage à l'abandon en 1750, elle est reconstruite au XIX° et solennellement bénie le jour de la Saint-Jean le 24 juin 1877. Restaurée à partir des années 1990 sous l'impulsoin de la confrérie : toit à la Philibert Delorme, vitraux, plancher et en 2017-2018, peintures intérieures et chemin de croix.
Croix basque sur la porte de la chapelle Confessionnal
Deux légendes y sont rattachées : celle du veau qui sortait du bois avec un couteau au cou pour se faire égorger le jour de la Saint-Jean d'où l'appellation "Bos du Bedel" (Bois du Veau) et celle de la source d'huile...
A proximité: le château de Montjézieu.
La sortie-patrimoine ne pouvait se terminer sans une déambulation dans "La Venise lozérienne" et un petit détour par le château de Saint- Saturnin !
La Canourgue
* La cité s'est développée autour d'un monastère de chanoines édifié peut-être au VII° et auquel elle doit son nom "canonica" en latin ou "Canoungié", chanoine en patois local. C'était l'un de 5 monastères gévaudanais avec ceux de Sainte-Enimie, Langogne, Le Monastier et Le Rozier.
Par un acte du 4 juillet 1060, l'évêque Aldebert 1° de Peyre et le vicomte du Gévaudan Béranger Ricart firent don du monastère aux Bénédictins de l'abbaye Saint-Victor de Marseille.
Au temps des barons, La Canourgue est à la baronnie de Canilhac. Le fort qui deviendra le château Saint-Etienne, protégera la cité naissante. De cette antique citadelle, la place est marquée aujourd'hui par la Tour de l'Horloge.
Grandissant avec le temps, La Canourgue eut un second château sur un éperon du Causse au sud : Saint-Amans ou fort Saint-Jean. Rasé en 1320 par l'évêque de Mende, il n'a pas laissé de ruines. Au jourd'hui, la statue de la Vierge le remplace , dominant le splendide panorama. Dès le XV°, la ville est enclose dans les murs de 2m d'épaisseur qui font une circonférence de 4,50m , percée d'un Portal et d'un Portalou dont les noms sont restés.
La cadisserie y a été fort importante ( en 1734, les 3/4 de la population vivaient du tissage). Tanneries et mégisseries ( en liaison avec Millau) prirent le relais au moins jusque fin du XIX°. Y furent aussi plantés des mûriers et "cultivé" le ver à soie .
* Ensemble de la vieille ville :
- Dans la vieille enceinte que cerne aujourd'hui le Tour de Ville, l'eau - l'Urugne - est présente partout, s'engouffrant sous les maisons avant de rejaillir dans l'une des nombreuses fontaines ( du Griffou, de Jeanne d'Arc...) : petits canaux, petits ponts l'enjambant, béals , lavoirs et moulin ( XV°, dernier représentant des 25 qui jalonnaient autrefois l'Urugne). C'est à cet affluent du Lot, rejoint par le Merdéric, que La Canourgue doit son surnom de "Venise lozérienne"...
Pierres d'angle en grès rouge ayant servi d'aiguisoir.
- Ruelles moyennâgeuses pittoresques, passages voûtés, maisons en encorbellement, demeures Renaissance restaurées et leurs fenêtres à meneaux, portails sculptés, enseignes
originales...
.
Siège de la "Confrérie de la Pouteille et du Manouls"
- La collégiale Saint-Martin
L'acte de session du monastère mentionne qu'une église y existait déjà et qu'elle "était riche, célèbre et fertile en miracles". Il précise aussi qu'il y avait alors 4 églises dans le bourg : Sainte-Marie et Saint-Quintin dont on sait à peu près rien. Saint-Frézal et l'église conventuelle de Saint-Martin. Ce sont -probablement - les moines de Saint-Victor qui ont construit dans le courant du XII° l'édifice que l'on voit aujourd'hui, successivement remanié (XV°) amputé de ses 2 dernières travées (1670) par l'effondrement du premier clocher, dallage de la nef rehaussé en 1803...
De style roman auvergnat, sa structure se compose d'une nef centrale séparée par de grands arcs en plein cintre des 2 nefs latérales, un large déambulatoire facilitant la circulation des pélerins autour des reliques, des absidioles rayonnantes voütées en cul de four, des piliers avec une âme carrée et des colonnes engagées.
La hauteur du vaisseau frappe, disproportionnée à sa longueur mais il ne reste aujoud'hui que 2 travées sur la nef sur les 4 à l'origine... Mélange des styles...Sur le déambulatoire s'ouvrent en alternance les 4 chapelles rectangulaires voûtées en croisées d'ogives toutes différentes et les 3 absidioles romanes d'origine( plan semi-circulaire, voûtées en cul de four)...Dans les nefs latétales, 4 enfeux creusés dans l'épaisseur du mur dont deux portent l'un l écusson des barons de Canilhac et l'autre les armes des seigneurs de Montferrand.
Clocher trapu construit après l'écroulement de 1670, à base carrée implanté sur la nef latérale sud , posé sur 2 des contreforts principaux de la nef; il porte un cadran solaire moderne avec l'inscription latine " Qua hora non putatis Filius hominis veniet. Estote parati" ( "C'est à l'heure que vous ignorez que le Fils de l'homme viendra. Soyez prêts").
Le château de Saint-Saturnin
* Blotti au fond d'une vallée fertile, surplombé par un impressionnant cirque rocheux avec le célèbre rocher des 3 dents, "l'édifice se présente comme un quadrilatère cantonné de 3 tours rondes et d'une carrée (celle-ci serait l'unique donjon royal subsistant dans la vallée du Lot). Le corps de logis jouxte cette dernière et forme l'aile sud avec un escalier hors d'oeuvre dans la cour. La tour carrée est le donjon médiéval, couronné de mâchicoulis. Les planchers ont disparu mais il conserve deux baies trilobées qui permettent de le dater de la fin du XIII° ou du début du XIV°, époque à laquelle le roi de France en conflit avec l'évêque de Mende, refortifia ses châteaux. Au XVI°, un corps de logis est accolé à ce donjon". ( informations issues de la base Mérimée).
* Familles propriétaires du château → son évolution...
- Comtors de Montferrand jusqu'en 1397 → sa construction est initiée par Guy de Cénaret époux d 'Hélix de Montferrand. N'en reste que les tours Est dont le donjon, la tour carrée,
- Barons de Cénaret : 1397-1870 → corps de logis ( magnifiques cheminées sculptées et grandes baies à meneaux) exposé au sud , borné à l'est par la tour carrée et à l'ouest par une tour ronde élancée,
- La Tour Saint-Vidal, barons de Cénaret 1570-1582 → renforcement de la défense du château; tour nord-ouest avec "canonnières à la Française" et crênelage sans mâchicoulis,
- Rochefort d'Ailly, barons de Cénaret 1582-1630 → modernisation de la demeure , plus spécialement le corps de logis principal (cage d'escalier rectangulaire rampe-sur-rampe à deux volées, porte principale avec petit perron extérieur...),
- Loubeyrac 1630-1656 → peu de moidifications,
- Freissinet de Valady 1656-1863 → construction de l'aile ouest ( XVIII°) avec un toit à la Mansart et une magnifique porte Renaissance (aujourd'hui au château de la Caze, Gorges du Tarn),
- Evêché de Mende 1863-1905 → initié par le dernier représentant des Freissinet, le délabrement se poursuit,
- Marchands de biens 1905-1995 → ruine du château volontairement précipitée...seules les 4 tours restent debout,
- Feydeau de Saint-Christophe 1995- aujourd'hui → travaux de restauration entrepris par Henri et Alix de Feydeau ( SCI des Amis de Saint-Saturnin) qui lui redonnent un certain prestige! Ce n'est pas terminé !
Retour aux sources familiales : l'arrière grand-mère d'Alix de Feydeau (née De Laubespin), Marguerite de Grimoard de Beauvoir du Roure était la dernière représentante de cette illustre famille, descendante directe d'Etienne de Grimoard, frère d'Urbain V, et fils d'Amphélise' de Montferrand !
Si, autrefois, l'on se devait de saluer le château en passant devant sous peine d'être mis au cachot, aujourd'hui, on ne peut que saluer la renaissance de cet édifice !
Collection Jean-Marie Gazagne.
Collection Jean-Marie Gazagne.
Le village de Saint-Saturnin
* l'église romane: ancienne chapelle du château, en tuf, fresques découvertes lors de sa rénovation dans les années 1980 / A droite de la porte d'entrée, dans le petit cimetière jouxtant, la tombe du dernier seigneur de Saint-Saturnin: Casimir de Freissinet de Valady, décédé en 1863 "Ci-gît Casimir, comte de Freissinet, de naissance illustre, encore plus noble par sa foi, sa religion et sa vertu austère". (L'on dit qu'il serait mort fou !)
* le four à pain au toit en lauzes et à la cheminée typique / Le métier à ferrer / le lavoir / les fontaines.
Des patrimoines divers mais des patrimoines qui ont en commun la patience et la passion de ceux - individuels ou associations - qui se consacrent à les faire revivre et à les partager. Que celles et ceux qui ont bénévolement guidé le CER Benjamin Bardy, ce samedi 22 septembre 2018, soient vivement remerciés...Ils se reconnaîtront !
Culture et convivialité...
---------------------------------------------------------------------------------------------------------
Photos : © 2018 - Daniel Mathieu - © Jean-Marie Gazagne - © CERBB / / Texte : © 2018 - Pierrette Oziol.
Sources: - Documentation fournie par " L'Association pour la sauvegarde de l'Eglise de La Piguière", par "La Confrérie de la Pouteille et du Manouls" et par l'Office du Tourisme de La Canourgue.
- Documentation ( propriétaires / évolution du château / plan) fournie par la famille Feydeau de Saint-Christophe.
- Recherches documentaires de Christian Lapointe et Andrée Durieux.
- " Ce tant rude Gévaudan". Félix Buffière.
Pour aller plus loin : " Pays d'Art et d'Histoire - Mende et Lot en Gévaudan : ses églises romanes".
" Eglises rurales & décors peints en Lozère". VERROT Michel. Editions La Régordane. Juin 1994
" Histoire de la Résistance en Lozère".1940-1944. CORDESSE Henri. Editions Les Presses du Languedoc -15 octobre 1999).