ALBI , la rouge flamboyante mais aussi terre du pastel...
Point de pays imaginaire où tout est abondance mais une cité historique présentant un ensemble architectural et urbain médiéval de brique, unique par sa couleur, sa puissance et son harmonie ; une cité originale par le fait qu'elle est liée à la prééminence , dès la fin du XIII°, des évêques à la fois seigneurs temporels et spirituels...
Modeste bourgade aux temps gallo-romains, Albi devient une ville grâce à sa promotion au rang de chef-lieu de "cité" et de "diocèse" au début du IV° siècle.
De ses remparts - 3 kms de murailles l'enserraient - il ne reste qu'une partie au palais de la Berbie.
Le Tarn (3° affluent de la Garonne) qui la traverse a fait aussi sa prospérité et lui a donné son cachet de "ville rouge" : les transports se faisaient par gabare sur la rivière et ses crues quelquefois exceptionnelles (celle de 1766 voyait les eaux passer par-dessus le Pont Vieux) lui donnèrent l'argile pour fabriquer les briques et bâtir la cité !
Vue sur le Tarn et le Pont Vieux
La Cité épiscopale, patrimoine mondial UNESCO depuis 2010
Le Palais de la Berbie, ancien palais épiscopal , d'une rare puissance et l'imposante cathédrale Sainte-Cécile - érigés au XIII° siècle - sont les deux monuments phares, comptant parmi les plus grandes constructions de briques cuites au monde !
Les quartiers historiques de Castelviel et Castelnau, d'origine médiévale entourent ces deux géants ! Elle comprend aussi la Collégiale Saint-Salvi et son cloître, le Pont Vieux enjambant le Tarn.
* La cathédrale Sainte-Cécile
- D'où que l'on arrive, elle impose son allure de forteresse austère et défensive, la plus grande de brique au monde. Construite à partir de 1280 et consacrée en 1482, de forme rectangulaire, sans transept, elle magnifie le style gothique méridional. Longue de 113m et large de 35m , avec son clocher de 78m , elle est conçue comme "la forteresse de Dieu" face à l'hérésie cathare et illustre la puissance retrouvée du clergé romain au lendemain de sa croisade contre les Albigeois.
[ En 1208, le pape Innocent III lance une croisade contre l'hérésie cathare.Face à un clergé corrompu, Le Languedoc et les Albigeois se tournent vers cette "religion" qui prône une vie de renoncement. Dès la prise de Béziers, Arnaud Amaury, archevêque de Narbonne , vitupère "Tuez les tous, Dieu reconnaîtra les siens". Quand la croisade s'achève en 1226, les hérétiques ont presque tous disparu et les vicomtés de Carcassonne, Albi et Béziers sont annexées au domaine royal.]
Porche d'entrée de la cathédrale Clocher de la cathédrale
- Quel contraste entre son extérieur "militaire" et son foisonnement intérieur, sa profusion de couleurs !
* Quelque 18 500m² de fresques et de décorations en trompe l'oeil ( visages, serpents, fleurs, feuilles) dues à des peintres italiens au XVI°...
* 3 couleurs dominantes sur la voûte : or, argent,azur...
* un jubé, dentelle de pierre gothique flamboyant (le seul conservé intégralement dans une cathédrale en France !) qui protégeait le choeur où se réunissaient les chanoines (120 stalles)...
Cet ensemble exceptionnel comporte deux registres : un cadre architectural "la clôture" et un ensemble de "statuaire" très fourni .
Le choeur des chanoines - partie réservée au clergé - est une "châsse de pierre" agrémentée d'une myriade d'éléments sculptés et couronnée de fleurons, de blasons et fleurs de lys.
Jubé
* 280 statues ( à l'origine dont 150 restent aujourd'hui en place) de pierre peintes dites "bourguignones" (XVI°) saisissantes de vérité notamment dans les traits du visage, les vêtements agrémentent le déambulatoire ; les sculpteurs y rappellent leur région ( escargots, choux, grappes de raisin)...
Motifs: la vigne, escargots, choux...
* la grande fresque du "Jugement dernier"datant de 1490 (300m²) se lit comme une Bible illustrée :
Le Paradis avec les anges, puis les apôtres, puis les ecclésiastiques ( St Louis et Charlemagne y figurent) et enfin les "mortels" ressuscités et portant leur livre de vie.
L'Enfer, d'un réalisme "effrayant" ! On peut comprendre pourquoi le quidam craignait de pêcher par orgueil, paresse, envie, goinfrerie, luxure, colère ,avarice (les 7 péchés capitaux) ...
- Le grand orgue : considéré comme le plus grand orgue classique de France, il a été conçu par le facteur d'orgue Christophe Moucherel de 1734 à 1736. Il se compose de 3576 tuyaux ( dont seuls 400 sont visibles), 5 claviers . Il mesure 16,40m de large pour 15,60m de haut. Il a été restauré dans les années 80.
Grand orgue
Le jubé : aucune structure ( dais, socle ou autres) n'est monolothite ; toutes se composent de plusieurs éléments ; l'assemblage de ces derniers, recouverts d'un décor complexe, a requis une grande précision dans leur façonnement, d'autant plus que les joints sont rarement visibles.
Ce raffinement met en exergue la virtuosité des tailleurs de pierre engagés par Louis 1° d'Amboise (nommé évêque d'Albi en 1474). Leur grande maîtrise a, seule, permis la floraison des merveilles surabondantes du flamboyant où l'ornement foisonne en une sorte de jubilation créatrice. La pierre, guillochée comme une objet d'orfèvrerie, ajourée et présentant des motifs détachés du fond , devient filigrane et dentelle .
A la féérie de la pierre se conjugue celle des ouvrages de bois (les stalles) et de fer (grilles) façonnés par des "huchiers" (fabricants de meubles) et des ferronniers d'art.
Prosper Mérimée écrivit : " Je n'aime pas les jubés [...]Pourtant celui de Sainte-Cécile est si élégant, si parfait de travail, que, tout entier à l'admiration, on repousse la critique et que l'on a honte d'être raisonnable en présence de cette magnifique folie."
Autel du choeur
Le dais du trône épiscopal où se démultiplient arcs, pinacles, remplages, est, à lui seul, le résumé de cet art gothique flamboyant.
* Le Palais de la Berbie
Il tire son nom de la déformation de l'occitan "bisbia" ou "évêché". Egalement en brique , il est construit à partir du XIII°, de 1228 à 1306 (antérieur à l'édification du Palais des Papes en Avignon) sur un site naturellement fortifié , en belvédère sur le Tarn. Son architecture militaire affirme la puissance des évêques face aux consuls de la ville. Au fil des siècles, les évêques l'ont transformé en résidence d'agrément. Salles voûtées et pavements médiévaux aux carreaux de terre vernissée (notamment dans la salle palatiale), plafonds peints, galerie Renaissance (à admirer tout en parcourant le musée) ...
Son ancienne place d'armes est maintenant un splendide jardin à la Française.
Il abrite aujourd'hui le Musée Toulouse-Lautrec
* Le Pont Vieux
Pont médiéval encore en service, bâti de pierres et de briques. Long de 15m, il était verouillé de part et d'autre par des ponts-levis d'où les arches plus étroites aux extrémités.
* La Collégiale Saint-Salvi et son cloître
Du nom du 1°évêque de la ville au VI° siècle, la collégiale se dresse fièrement depuis le XI° siècle, terminée en 1270 et très souvent remaniée . Elle fait partie des plus vastes églises romanes de l'Albigeois.
Le cloître est en forme de quadrilatère, quelques belles colonnes doubles et des chapiteaux sculptés. Il donnait accès aux dortoirs, à la salle capitulaire ... et possède un très joli jardin où les moines faisaient notamment pousser "les simples".
C'était la paroisse la plus riche avant le chapitre de la cathédrale Sainte-Cécile.
* Les quartiers du Castelviel et du Castelnau
Ils cachent au détour de leurs ruelles étroites des maisons (du XIII° au XVI°) en briques et pans de bois (châtaignier) aux caractéristiques des vieilles maisons médiévales: colombages, encorbellement pour gagner de la surface et un grenier à ciel ouvert "le soleilhou" pour sécher "cocagnes"(coques du pastel), tabac, noix, linge...
Sous le toit," le soleilhou".
Elles sont les témoins de la richesse de ces marchands pastelliers qui firent commerce dans toute l'Europe de ce "bleu pastel" fabriqué à partir de l'Isatis Tinctoria dont les feuilles sont écrasées puis mises à sécher en boules, les coques ou "coquaignes". Celles-ci qui servaient à la teinture ont été longtemps une source de richesse pour le pays. De là, est venu l'usage de comparer les pays riches et heureux aux pays où se fabriquaient les coquaignes...au pays des coquaignes...au pays de cocagne !
Après bien des péripéties - la plante a bouleversé l'économie de la région, enrichit les marchands, permit le développement architectural des villes puis est tombée plus ou moins dans l'oubli - un certaine renouveau s'amorce depuis les années 1980.
Le Musée Toulouse- Lautrec
Ce musée, labellisé Musée de France et accueilli depuis 1922 dans le Palais de la Berbie, présente une collection publique exceptionnelle (plus de 1000 oeuvres) de l'artiste peintre et lithographe albigeois : toiles de jeunesse , portraits majeurs, lithographies, estampes sur le monde du spectacle, réclames parmi lesquelles les 31 affiches monfialement connues et les oeuvres tardives.
Ces oeuvres sont exposées dans une approche à la fois chronologique et thématique.
Toulouse-Lautrec représenté par ses amis peintres
* Henri de Toulouse-Lautrec (1864 - 1901 ).
Fils du comte Alphonse de Toulouse-Lautrec-Monfa ( 1836-1913) et d'Adèle Tapié de Céleyran (1841-1930), cousins au 1° degré, Henri Marie Raymond naît le 24 novembre 1864 à Albi. Un frère, Richard-Constantin, verra le jour 4 ans après mais mourra à l'âge d'un an. Dès lors, Henri sera choyé par sa famille : un père et des oncles qui lui enseignent le dessin au retour de la chasse mais aussi par une mère aimante qui en a la garde après la séparation de ses parents. Son enfance, heureuse, se déroule entre Albi, le château du Bosc ( situé à Camjac près de Naucelle en Aveyron) et celui de Céleyran.
Mais en 1874 , une sèvère maladie osseuse congénitale se révèle et, des chutes aggravent son retard de croissance ; il ne dépassera pas la taille de 1,52m. Adolescent et jeune adulte, Henri de Toulouse-Lautrec rêve de devenir "artiste" et finit par convaincre sa mère de le laisser monter à Paris...Là, désormais, il ne vivra que pour son "art" ( dessin, peinture) et sera bien vite considéré comme "l'âme de Monmartre", quartier où il réside, fréquentant cabarets et maisons closes...
Alcoolique pendant la plus grande partie de sa vie (sa canne creuse conservait, dit-on, sa réserve d'absinthe et de cognac), puis ayant contracté la syphilis , il meurt le 9 septembre 1901 à l'âge de 36 ans à Malromé (Gironde) propriété de sa mère où il essayait de soigner une tuberculose naissante ; il est enterré au cimetière de Verdelais à quelques kilomètres de là.
Ce n'est pas un peintre maudit bien au contraire ! N'ayant pas besoin d'exécuter des oeuvres sur commande pour vivre, il choisit des sujets qu'il connaît bien ( les chevaux), des visages qui l'intéressent , les prostituées sans moralisme , sentimentalisme ou voyeurisme ...Il est aussi passionné par le cirque et sa notion de liberté !
" Je boirai du lait quand les vaches brouteront du raisin".
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Une sortie patrimoniale, découverte épatante, pour les quelque 48 adhérents et sympathisants ! Culture et convivialité au "menu" albigeois !
Photos : © CERBB - Jean-Marie GAZAGNE - Daniel MATHIEU.
Texte : © Pierrette OZIOL.
Sources : - Brochure "Destination Albi. Guide Patrimoine & loisirs.2019 "
- Patrimoine de l'Humanité - La Cité épiscopale - 5° édition - mars 2019
- Recherches sur divers sites du secrétaire Bertrand FILHON pour le fascicule distribué aux participants.
- Notes personnelles prises lors des visites.
Pour agrandir les photos cliquer sur l'image.
Musée Toulouse-Lautrec, quelques oeuvres de l'artiste.