Conférence donnée par Gilbert Fages, retraité du Service régional de l’Archéologie ; celui-ci a présenté une sorte de rétrospective de ce qu’il est coutumier d’appeler ” l’ensemble mégalitihique des Bondons” ou concentration de pierres dressées, sujet de ses préoccupations depuis 1967.
” La découverte du site archéologique appartient au Dr Charles Morel qui, dans les années 1930, parcourait ces dépôts sédimentaires plaqués au versant sud du mont Lozère puisqu’il est l’auteur d’une prise de date insérée dans le bulletin de la Société Préhistorique Française (1933) relative à un habitat structuré protohistorique sis au-dessus du bourg des Bondons. Peu après, en 1940, il fait paraître un compte-rendu préliminaire dans le bulletin de la Société des Lettres de la Lozère. Démarche qui conduira – en 1941 – à l’inscription à l’inventaire des Monuments Historiques d’une soixantaine de monolithes répartis sur les cinq croupes qui modèlent ce territoire.
L’intensification des repérages-reconnaissances avec la contribution de préhistoriens reconnus – André Soutou, Louis Balsan, Camille Hugues et René Pauc – abondent une communication aboutie lors du Congrès de la SPF en Principauté de Monaco (1959). Cet inventaire détaillé avec carthographie ‘Les Menhirs et les alignements des Bondons (Lozère)” paraîtra en 1965.
Entre-temps intervient la fouille de plusieurs tumulus de l’âge du Fer dont un grand situé non loin de Montmirat (côté nord de la D35) qui livre les restes d’un sujet masculin inhumé avec une longue épée en fer et un rasoir en bronze posé sur la poitrine (750 – 600 av.J.-C.).Ce rasoir, coulé dans un moule monovalve, présente une lame semi-circulaire et un dos rectiligne muni d’un anneau central. Pour les protohistoriens il est devenu le modèle d’un type particulier dénommé “type de Saint-Etienne-du-Valdonnez”.
Les paysages de ce plateau composé de plusieurs “chams”, d’un pittoresque saisissant, résultent de cinq millénaires de gestion agro-pastorale. Et, ce sont sans doute les dresseurs de pierres venus sur ces terres peu habitées auparavant qui sont à l’origine de ces mutations.
– Les Combes –
Sur ces croupes qui s’étirent du nord au sud, y compris la Serre du Mazareil – échine schisteuse descendant du col de Montmirat-, le Dr Morel dénombrait 154 monolithes de granite halés depuis les affleurements septentrionaux, presque tous couchés par le temps et une relative instabilité du substrat au passées marneuses. Ces blocs, de forme allongée, ont pu être partiellement épannelés et bouchardés à l’aide d’outils en roche tenace.
Parmi ces pierres, disposées majoritairement sur les courbes faîtières, s’insèrent de rares dolmens en calcaire local et des tumulus. Des témoins esseulés du dernier siècle av.J.-C aux premiers siècles de notre ère perpétuent l’implantation protohistorique qui a investi et fortifié des hauteurs ( Echine d’Aze).Toutefois, l’auteur ne cachait pas son inquiétude grandissante face à la montée des “agressions” constatées au cours des quelques décennies qui ont fait de lui un familier des lieux.
– Menhirs de La Baraque de l’Air-
Menhirs et dolmens, qui ne sont que la partie visible d’un nappage de traces laissées par toute colonisation, existent dans bien des contrées de France, d’Europe et du Monde mais ce qui est particulier ici, et qui en fait son intérêt, c’est la concentration. Aussi – dès 1970 – se tenait à Florac, une réunion de concertation sur le devenir du site et sa valorisation ( préservation, connaissance et médiation).
La première réalisation dans ce sens est initiée en 1974 par le Parc national des Cévennes qui dresse le menhir, de taille imposante, des Colobrières. Dans le cadre légal d’une prospection-inventaire, diligentée par la DRAC* du Languedoc – Roussillon sur plusieurs années, beaucoup d’attention est portée à l’établissement d’un corpus détaillé avec, notamment, la localisation rigoureuse de chacun des éléments.Le dossier préparé par Alain Peyre (MH* à la DRAC) est soumis, en 1987, à la COREPHAE* organisme décisionnaire qui, à l’unanimité moins une abstention, émet un avis favorable à l’inscription des 300 gisements référencés à l’nventaire des MH, préalable à leur classement.
– Menhirs de La Vaissière-
En 1982-1983, parce qu’il apparaît que la meilleure façon de les protéger est de les dresser ( couchés, les paysans les enlèvent!), le groupe compris entre la Pierre des Trois Paroisses et les Combettes profite d’une première tranche de travaux de restauration, mise à la verticale des menhirs et consolidation d’un dolmen.
Une deuxième tranche, numériquement plus importante, concerne en 1995 l’ensemble des groupes, soit d’est en ouest : la Vaissière-La Fare, les Colobrières, la Baraque de l’Air-la Cham des Bondons, la Fage I et II et la Minière.
Une ultime tranche devrait traiter lesblocs restés au sol ( faute d’accord du propriétair) et ceux qui, fracturés, nécessiteront une manipulation lourde et technique.
– La Vaissière – La Fare –
Deux sentiers de visite sont ouverts au public et balisés.Une boucle relie les groupes Fage I et II depuis le parking des menhirs (voisin de la Pierre des Trois Paroisses) en passant par les Combettes avec quelques panneaux explicatifs dans le four à pain.L’autre, part du bourg des Bondons, gagne la hauteur des Colobrières puis La Vaissière -La Fare – avec les plus grands monolithes (deux de 5, 40m) – avant le retour aux Bondons via le col de Lozerette.
Depuis plusieurs années, il est acquis que la concentration mégalithique qui singularise les Chams déborde par-delà le col de Montmirat sur la frange orientale du causse de Sauveterre : trois beaux blocs de granite (La Chaumette et la Baraque de l’Estrade), divers tronçons de granite transformés en bornes, un remarquable “semis” de menhirs en calcaire ou en dolomie ( rebord du causse et ligne joignant le Mas André au Freyssinel en passant par les Cheyrouses).
– Les 3 menhirs de La Fare-
Ce gigantesque chantier – largement plus de 200 blocs – ayant nécessité des efforts colossaux et une organisation sans failles ne peut être que collectif ! Mais la motivation, moteur de l’entreprise, nous échappe toujours ! Certes, les hypothèses abondent, elles sont nécessaires, mais il est souvent regrettable que des discours tenus sans réel fondement, passent auprès de beaucoup pour des certitudes !
Leur datation, épineuse question, est encore discutée. Habitude et facilité, il y a toutefois des arguments dans ce sens, font aller de pair menhirs et dolmens ; ces derniers remontent à la fin du néolithique (pas avant le 3° millénaire précédant notre ère). Il est mal aisé de dater précisément l’érection de ces pierres car les artefacts taillés et polis recueillis à proximité (parfois en grand nombre comme à la Cham du Marazeil grâce aux recherches assidues de René Pauc) sont-ils en relation directe avec les menhirs ?
La récente mise en culture d’une parcelle au quartier de Bramousset a détruit un fond de cabane, plusieurs monolithes fragmentaires et mobilisé un menhir complet (2010). Après labour délavé par les pluies automnales, Roger Vidal a ramassé quelques produits de débitage malellaire en silex d’importation dont deux lamelles en silex blond d’obédience chasséenne ( Néolithique moyen).
– Pierre des Trois Paroisses-
Nouveauté de dernière minute, divulguée par Roger Joussaume : un long zigzag gravé sur la face enterrée, alors qu’il était couché, d’un menhir de La Fage II. Certes des examens, recherches et études complémentaires sont incontournables mais, d’ores et déjà, ce signe serpentiforme – comparable à des figurations sur menhirs et piliers de dolmens de la façade atlantique bien datées – pourrait vieillir certains éléments, sinon la parure lithique des Bondons d’un bon millénaire !…(Un exemplaire de cette publication vendéenne est consultable au CERBB)
Raison pour laquelle, confortée par bien d’autres arguments, il est impératif d’assurer coûte que coûte La SAUVEGARDE de CE SITE de plus en plus maltraité et mutilé par l’extension sauvage, voire encouragée par les dotations publiques, des cultures avec des moyens mécaniques toujours plus performants.
Le désastre archéologique en marche est irrémédiable dans bien des secteurs et domaines !…”
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– Quelques exemples de ce désastre archéologique en marche –
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Groupe La Fage II pris pour cible …
Menhir devenu “ornement de pelouse” …
Menhir incomplet, “déraciné” et maintenant tagué…
… Menhir sorti du champ (Plo de La Borie)
Menhir tagué…
Texte et photos © Gilbert FAGES
* DRAC : Direction Régionale des Affaires Culturelles.
* COREPHAE : Commission Régionale du Patrimoine Historique Archéologique et Ethnologique.
* M.H. : Monuments Historiques