Quel centenaire fêtons-nous le 02 juillet 2015 ? Beaucoup l’ignorent sans doute…C’est celui de la création de la mention « Mort pour la France ». Fait exceptionnel : la loi l’instituant votée fin juin 1915, proclamée le 02 juillet et publiée le 09 juillet avec ses décrets devient immédiatement applicable !
C’est à M. Davatchi, directeur de l’ONAC, que l’on doit la mise en lumière de ce fait méconnu de la Grande Guerre, lors de sa conférence donnée au CER Benjamin Bardy le 01 juillet dernier.
Il a tout d’abord exposé les raisons qui ont conduit les élus politiques à s’intéresser à cette création. En effet, les milliers de morts dès le début du conflit, le deuil cruel qui touche alors l’ensemble de la société française (mort lointaine et violente, famille impuissante et privée du corps et d’informations sur les décès) et le moral qu’il faut à tout prix protéger, amènent à envisager une autre politique de reconnaissance et de « récompenses » par la Nation., même si dès avril 1915 la Croix de Guerre avait déjà été créée…
A l’initiative de Joseph Thierry (1857-1918),fils du dernier maire français de Haguenau, député (Marseille 1898) et ancien ministre des Travaux publics et des Finances , il sera proposé de remplacer « décès » par « Mort pour la Patrie », mention simple, brève , claire et identique pour tous ceux qui ont donné leur vie. Mais l’élu de Martinique, Joseph Lagrosillière propose l’amendement, retenu et voté, de remplacer « Patrie » par « France » pour tous ceux « morts sur le champ de bataille ».
Cependant, en février 1922, la loi viendra encore modifier et surtout élargir les conditions d’attribution (combattants, civils, otages et prisonniers de guerre et même communes…) : 1 300 000 mentions ainsi attribuées même si plus de 100 000 soldats seront « oubliés » : omissions administratives, absence de demandes des familles, instruction qui n’aboutit pas faute de preuves que la mort est liée aux combats,les fusillés (1009 recensés soit 0,07 % des morts) et les suicidés (environ 4000). Et, tragique ironie de la formule, il faut être « mort » pour obtenir cette mention alors, à minima, quelque 300 000 de soldats ne seront pas reconnus comme tels et deviendront de simples « disparus » ou « présumés morts » avant qu’un éventuel jugement déclaratif de décès ne leur permette de l’obtenir…
Quels en sont les avantages associés ? Le plus symbolique : la reconnaissance avec la remise d’un diplôme (en février 1919, 30 000 pour les soldats lozériens). S’y ajoutent le droit à une sépulture dans l’un des 265 cimetières nationaux ou 2000 carrés militaires des cimetières, le droit au rapatriement du corps si la famille le demande tout comme le droit à un voyage-pèlerinage annuel gratuit, le titre de Pupilles de la Nation pour les orphelins et, depuis une loi de février 2012, l’obligation par les maires d’inscrire le nom sur le Monument aux morts qui est toujours de la responsabilité complète de la Commune…
Pour conclure cette communication très fouillée à travers des exemples précis, tour à tour singuliers ou dramatiques, M.Davatchi s’est interrogé : de nos jours, que veut dire mourir pour la France ? Quelle place pour le patriotisme dans une société à la fois très individualiste et mondialisée ? Quel idéal pour le soldat aujourd’hui professionnel ? Interrogations que, sans nul doute, les nombreux auditeurs présents auront partagées…