Le CER Benjamin Bardy a accueilli le 15 juin 2022 Raymond Pauget, anciennement Bâtiments de France, pour une conférence sur l’histoire de la protection du patrimoine bâti et naturel en France.
Les notions de sensibilité et d’appropriation du « beau », très présentes à l’époque romaine et indispensables à toute idée de protection et de transmission, perdues lors des invasions barbares, partiellement retrouvées lors de la Renaissance carolingienne, puis fortement malmenées tout au long du Moyen Âge, ne renaissent véritablement qu’à l’issue de la guerre de cent ans et lors des tentatives de conquêtes transalpines des Rois de France.
La transposition en France de l’humanisme et des arts des cités italiennes du « quattrocento » inspire deux Renaissances successives « à la française » en Val de Loire puis en Île de France, portées par la royauté mais aussi par des financiers, aristocrates et mécènes, donnant lieu à des chefs d’oeuvre inégalés comme Chambord, Fontainebleau ou
Chenonceaux.
De Versailles aux villes nouvelles, des places royales aux ensembles monumentaux exceptionnels comme le Louvre, considérés comme intangibles car rattachés à la royauté ou à l’aristocratie, les XVIIème et XVIIIème siècles laissent encore peu de place pour le paysage naturel mais le goût anglais pour la nature, non ou peu domestiquée, va créer en France le premier courant naturaliste (Jean-Jacques Rousseau).
Le vandalisme lié à la révolution française n’épargne ni patrimoine immobilier civil et religieux (Cluny), ni patrimoine mobilier, entrainant la disparition d’oeuvres exceptionnelles et uniques.
Carte de France du patrimoine
Il faut attendre, au premier tiers du XIXème siècle, les actions provenant de personnes éclairées (Guizot, Mérimée, Hugo, Viollet-le-Duc) et l’essor du romantisme né outre-Rhin pour que la préservation des monuments et paysages naturels apparaisse enfin comme essentielle au développement harmonieux et aux fondements d’une nation.
Raymond Pauget a ensuite présenté les textes de loi successifs protégeant bâti et paysage, des monuments historiques aux sites patrimoniaux remarquables, des anciens et précurseurs secteurs sauvegardés de Malraux, aux sites classés et au label UNESCO.
Pour conclure, M. Pauget a procédé à une analyse critique des périodes de vandalisme passées ou actuelles qui remettent constamment en cause les notions et efforts de protection, des ravages liés aux guerres à la rénovation urbaine des 30 glorieuses, du fantasme permanent du modernisme au développement tentaculaire de l’urbanisation périurbaine banalisant tous les paysages.
Il a enfin regretté l’absence quasi totale de sensibilisation des jeunes générations aux notions de protection, préservation et transmission, laissant craindre à terme, un probable déclin de la pensée même de patrimoine quel qu’il soit.
Raymond PAUGET, conférencier