Le mercredi 16 octobre, plus d’une centaine de personnes se sont rendues à la salle Jean Jaurès pour assister à la conférence donnée par Jean Fossard sur le thème du Mégalithisme en Lozère. Habitant à Malaval sur la commune des Bondons depuis près d’un demi-siècle, l’auteur de l’ouvrage intitulé « Le secret des menhirs » a présenté le résultat de 30 années de recherches consacrées à une géante mythologique, démiurge, maîtresse du climat et porteuse ou lanceuse de mégalithes appelée LA VIEILLE. Ces recherches se sont soldées par une thèse de doctorat – soutenue par l’un de ses fils – à l’Université de Bretagne Occidentale en 2021.
La Vieille (« la viéio ») précise-t-il, en reprenant la définition qu’en donne Frédéric Mistral dans le dictionnaire provençal-français en 1878, est « le nom par lequel le peuple de Provence désigne la nature ou l’antique Cybèle ».
S’appuyant, dès 1994, sur l’ouvrage « Les légendes du Gévaudan » de Benjamin Bardy (co–fondateur et président du CER) et sur les articles d’André Soutou (préhistorien et professeur à Mende), Jean Fossard a, dans un premier temps, étudié la toponymie de toutes les communes de Lozère et les interactions que pouvaient avoir les mégalithes et les endroits portant le nom de la Vieille avec les trois collines qui dominent la Cham des Bondons, et qui sont visibles à des dizaines de kilomètres à la ronde. En 1995, il a émis l’hypothèse que ces trois collines nommées Allegre, Mariette et l’Échine d’Aze représentaient le corps de la Vieille (deux seins et un ventre gigantesque – symbole de fécondité) et que les menhirs avaient été dressés autour d’elles pour « honorer » cette déesse préhistorique. Jean Fossard précise qu’à l’époque, cette hypothèse n’a malheureusement pas été suivie par les archéologues et préhistoriens locaux ou régionaux ; et c’est ce qui l’a poussé à approfondir ses recherches en France mais aussi en allant directement enquêter dans une dizaine de pays européens ainsi qu’en Turquie. Une trentaine d’années après, il revient avec des arguments incontestables.
La Grosse Pierre
Cette vieille géante est connue dans toute l’Europe et en Orient au travers de « la légende des Jours de la Vieille » (légende connue aussi bien au fin fond de la campagne lozérienne que dans les montagnes d’Iran) ; elle a façonné les paysages européens et elle fait la pluie ou le beau temps des côtes atlantiques jusqu’aux côtes méditerranéennes. Il ajoute que l’arc-en-ciel est, ou était, le symbole de la Vieille dans de nombreux pays ou zones géographiques très éloignées les unes des autres (Pays de Galles, Normandie, Italie, Balkans, Ukraine, Kazakhstan, Daghestan, Kalmoukie …) et qu’aujourd’hui encore l’arc-en-ciel est appelé « arc de la Vieille » dans certaines régions du Portugal et de l’Espagne ou « ceinture de la Vieille » dans l’île de Crète et dans le Péloponnèse. Jean Fossard a enregistré dans une base de données des milliers de toponymes du type : Montagne de la Vieille, Colline de la Vieille, Rocher de la Vieille, Pierre de la Vieille, Lac de la Vieille, Grotte de la Vieille, etc. ainsi que leurs coordonnées géographiques, et il a répertorié plus de 200 mégalithes portant, eux aussi, le nom de la Vieille en Europe (au Danemark, par exemple, 17 dolmens sous tumulus sont appelés Butte de la Vieille). Et s’il rappelle que la géante en Lozère a transporté ou est associée aux menhirs de Malavieille (Chastel-Nouvel), des Combettes (Ispagnac), de Malbosc (Les Bondons), de Grizac (Pont-de-Montvert), de Claroudens (Saint-Martin-de-Lansuscle), des Avelacs (Saint-Étienne-Vallée-Française), et aux dolmens du Villard et de l’Aumède (Chanac), de Bramonas (Balsièges) et de Sauveterre (Sainte-Énimie), il indique aussi qu’elle a transporté ou lancé des mégalithes bien plus volumineux (illustrations à l’appui) en Sicile, au Danemark, en Grèce, en Espagne, en Irlande et en Bretagne, et que dans plusieurs pays européens des montagnes anthropomorphes, parfois aux formes féminines, sont appelées « la Vieille ».
Jean Fossard a terminé sa conférence en montrant diverses « médiatisations » de la géante en Bretagne, en Galice, en Écosse et en Norvège. Il a insisté sur le fait que ce thème mythologique et mégalithique pourrait, au moyen de nombreuses illustrations, dynamiser le tourisme en Lozère par des expositions temporaires ou permanentes, notamment au Musée du Gévaudan à Mende, à la boutique du département de l’aire de la Lozère sur l’A75, mais surtout au Centre d’Interprétation Mégalithique des Bondons dont l’inauguration devrait avoir lieu courant 2025. Si les décideurs le voulaient, on pourrait ainsi montrer aux visiteurs et aux Lozériens de tous âges que la Vieille fait partie intégrante du patrimoine de notre beau département.