Frédéric Fouletier a présenté une conférence sur le thème de « République, Église et laïcité à Bagnols-les-Bains entre 1870 et 1914 ».
Son objectif était de montrer quels rapports l’Église et l’État ont entretenu à Bagnols, au début de la IIIe République, à l’époque des lois sur l’éducation et la sécularisation. Proclamée le 4 septembre 1870, la IIIe République cherche à s’imposer dans les zones rurales demeurées conservatrices et très influencées par l’Église. Bagnols correspond bien au profil des territoires ciblés, même si le village se distingue des autres communes limitrophes par une certaine ouverture et modernité impulsée par le tourisme thermal.
Le village a été profondément bouleversé par la période révolutionnaire qui a remodelé ses structures économiques, sociales et culturelles. Alors que l’établissement thermal était nationalisé entre 1793 et 1796, ses habitants se sont vite heurtés au pouvoir politique, au sujet de la sécularisation, qui n’a jamais été acceptée. Le père Andrieu, en poste de 1782 à 1818, a été assimilé à un prêtre réfractaire, mais a été largement protégé par la population, et en particulier par les femmes. La rupture entre les villageois et la Révolution était dès lors inévitable.
Les autorités municipales post-révolutionnaires de la première moitié du XIXe siècle renient sans nuances l’héritage de 1789 et affichent, ostensiblement, leur conservatisme, repoussant toute initiative jugée dangereuse pour le maintien de la cohésion et de l’ordre social. Le village, à l’image de la majorité des communes lozériennes, demeure donc, au milieu du XIXe siècle, une terre de mission pour le nouveau régime républicain.
Après 1870, les initiatives républicaines dans le domaine des aménagements, en particulier ceux qui visent le désenclavement du village, de l’éducation et de l’encadrement administratif des activités thermales, semblent appréciées. En outre, des acteurs de premier plan à l’échelle de la commune, comme le maire Clément Chevalier (qui dirige la commune entre 1880 et 1926), le député Maurice Bourrillon ou l’instituteur Jean-Emmanuel Chaudesaigues, facilitent l’adhésion progressive des Bagnolais à la République. L’inauguration en grande pompe, d’une nouvelle école publique, en janvier 1910, témoigne de la permanence des efforts républicains en faveur de l’ascension sociale des citoyens, mais symbolise également ce compromis implicite entre tradition et modernité.
Pourtant, les résistances demeurent fortes. L’emprise de l’Église sur les consciences et l’action municipale limite parfois l’application des lois républicaines. Les filles, très majoritairement scolarisées à l’École libre des Sœurs de la Présentation de Marie, échappent ainsi à l’enseignement public et laïc. La construction d’une nouvelle église en 1889-1890, enjeu essentiel de la vie paroissiale tout au long du XIXe siècle, rappelle également la force et la vitalité du catholicisme qui s’oppose avec vigueur à la loi de séparation des Églises et de l’État de 1905. Les incidents bagnolais du 22 novembre 1906, au moment des inventaires, démontrent que l’adhésion à la République demeure fragile.
Il faudra donc attendre la fin de la Première Guerre mondiale pour que le sentiment républicain soit largement partagé par la population bagnolaise. Le combat en faveur des valeurs républicaines n’est donc jamais totalement achevé.