Le rôle de la femme au XIXè siècle

Mercredi en fin d’après-midi, la salle de l’espace Jean Jaurès était comble pour venir écouter Monique Fraissinet qui nous a présenté, à partir d’un cas particulier, la condition de vie de certaines femmes lozériennes dans la deuxième moitié du XIXè siècle. Ses recherches sont issues des fonds des archives départementales de la Lozère et de l’excellent livre “L’impossible mariage- Violence et parenté en Gévaudan, XVIIè, XVIIIè et XIXè siècles” (Editions Hachette-1982).

En préambule elle a évoqué les conditions de vie de certaines familles pauvres vivant à l’ousta, dans un habitat réduit, où parents et enfants dorment tous les uns à côté des autres « J’étais seule avec mes petites filles, une dormait près de moi, l’autre à mes pieds, j’accouchais dans l’obscurité ». C’est ainsi que s’exprimait une femme en 1841.

L’homme, maître des lieux, cache la clé du garde-manger qui contient toutes les provisions, la femme est obligée de mendier pour pourvoir à sa subsistance (1853).

Certaines familles sont dans l’impossibilité de doter leurs filles qui resteront célibataires, louées comme servantes. Certaines petites filles de l’ousta, quitteront la maison dès l’âge de neuf ans pour apprendre le métier de bergère, de fileuse, de servante. Une bouche de moins à nourrir. D’autres iront garder le troupeau avec la peur du loup qui s’aventure hors des forêts, certains enfants sont mordus et meurent de la rage, elles craignent les vagabonds et les errants.

D’autres, mères célibataires, choisissent d’aller déposer leurs enfants dans le tour des hospices à Mende, parce qu’elles n’ont “rien dans ce monde” pour nourrir les enfants qu’elles n’ont pas souhaités. Ainsi des infanticides sont évités. En 1858, sur 166 enfants abandonnés en Lozère, déposés dans le tour des hospices, 77 sont nés d’une mère célibataire. A partir de ces données l’on peut aisément comprendre les douloureuses conditions de vie de ces femmes.

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Quelques statistiques pour compléter ces propos. Entre 1860 et 1870, ce sont 10 femmes célibataires ou veuves, qui ont été condamnées pour infanticide.

Et les hommes ? Certains ne restaient pas impunis. 47 ont été condamnés pour viol, tentative de viol ou attentat à la pudeur. Ils étaient journalier, domestique, sabotier, cultivateur, tailleur d’habits, perruquier coiffeur, berger, bouvier, marchand de bois, mendiant

Les enfants étaient placés, certains ont mené la même vie que ceux issus de la famille chez qui ils vivaient.

Pour illustrer l’ensemble de cette conférence, Monique nous a rapprochés de la vie de Victoire, née sur le Causse de Sauveterre en 1827, de ces deux enfants placés, nés hors mariage.

Quand son dernier et 4ème enfant disparaît le jour de sa naissance en 1859, c’est Victoire qui est poursuivie devant la Cour d’Assises de la Lozère et condamnée à 5 années d’emprisonnement.

Une vie carcérale durant laquelle certaines mères avaient avec elles leur enfant. L’une « est une très bonne nourrice » (1877), une autre parce qu’elle a un enfant d’un an « à la mamelle » (sic), une troisième un enfant de 29 jours (condamnée pour vol en 1854). Encore une autre, en 1856, pour le même délit, a un enfant de 7 mois. Quand en 1853 une femme accouche en prison. Et si ces femmes demandent une ration de pain supplémentaire, cela ne leur est pas systématiquement accordé.

Monique a choisi de nous dépeindre les douleurs de ces femmes quand on évite alors de mettre au jour les vies des hommes, de leurs hommes. Ces violences tues et cachées ne nous ramènent-elles pas à ce que vivent certaines femmes …au XXIè siècle ! Au-delà de ce tableau noir, certaines femmes ont tout de même vécu avec un époux et des enfants menant une vie qu’on peut qualifier de normale pour cette époque.