Le compagnonnage : Hier, aujourd’hui, demain

Né, dès 1480, d’une très forte aspiration à la liberté et donc de la nécessité de renforcer les liens de solidarité, Le Compagnonnage est la plus ancienne association ouvrière encore en activité aujourd’hui avec trois sociétés : Union Compagnonnique des Devoirs Unis (1889), Association Ouvrière des Compagnons du Devoir (1941) et Fédération Compagnonnique des métiers du Bâtiment (1953).

 

Compagnonage2

Se réclamant de leurs trois fondateurs mythiques – le roi Salomon, Maître Jacques et le Père Soubise – elles ont pour socle commun «Le Devoir ». Ces sociétés malgré leurs usages et règlements, leurs rites et leurs symboles ne sont ni franc-maçonnes ni même secrètes mais bien des« sociétés initiatiques »… En effet, au terme de son voyage, l’aspirant ayant réalisé son chef d’œuvre sera reconnu par ses pairs, recevra sa canne, ses couleurs et son surnom composé, passant ainsi de l’état de profane à celui de compagnon

Depuis l’origine,qu’ils soient tailleurs de pierre, charpentiers, vanniers, forgerons, serruriers, couvreurs, boulangers, tonneliers-doleurs, maçons, cordonniers-bottiers, menuisiers…tous ces Compagnons ont fait leur la devise « Gloire au travail, mépris à la paresse, le travail et l’honneur, voilà notre richesse ».
Et demain ? Poursuivre avec optimisme puisque « Le Compagnonnage, réseau de transmission des savoirs et des identités par le métier » figure, depuis fin 2010, sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel inscrit à l’Unesco.

 

Difficile de rendre compte de la densité de la conférence donnée par Madame Brigitte Thomas-Sudre, en ce mercredi 19 octobre, au CER Benjamin Bardy, tant elle a mêlé documentation fouillée et témoignage personnel émouvant… En effet, elle fut de longues années «dame-hôtesse » puis « mère » – quelque peu iconoclaste d’ailleurs – en « la cayenne » de Nîmes…

Merci à elle d’avoir balayé des jugements à-priori, d’avoir accepté de partager un moment de sa vie, en hommage à ceux qui furent et resteront toujours ses «Compagnons »

 

 

 

Pour aller plus loin…

img007

Les  3 fondateurs : Le Père Soubise, le Roi Salomon, Maître Jacques

            “LE DEVOIR”

C’est l’ensemble des règlements, rites, légendes et symboles adoptés par les Sociétés des divers métiers. En ce sens, chaque métier possède son propre “Devoir”.

* La réception *

Cette cérémonie initiatique a pour finalité d’intégrer le jeune stagiaire admis,  adopté en tant qu’aspirant (ou affilié  selon les Sociétés)  en tant que Compagnon. Il devra avoir réalisé son ” chef d’oeuvre” de réception. Celui-ci doit témoigner de la maîtrise du métier, résoudre de nombreuses difficultés techniques mais surtout être validé par les Compagnons.

Reconnu “Compagnon”, il reçoit alors sa canne, ses couleurs et son surnom.

        ° sa canne : en jonc de la vallée du Nil et terminée par un embout en laiton. Son pommeau en corne, ivoire ou bois , rond, octogonal ou torsadé, incruste un  pièce en argent où sont gravés le nom, la date de réception. Elle rappelle que les Compagnons sont des “marcheurs” mais servait aussi, autrefois, d’arme de défense.

 

        ° ses couleurs : aujourd’hui portées en écharpe. C’étaient des rubans de soie ou de velours variant d’un métier à un autre et d’une société à une autre.

 

        ° son surnom : le nom de province + une qualité : ex : Languedoc la Franchise : surnom de Serge Chabert, fils de monsieur F.Chabert, vice-président du CER.

.08rixe

08Compagnon 

         “LE TOUR DE FRANCE” ou le  Voyage 

Dès son émergence historique au xv°, les archives font mention des déplacements d’ouvriers à travers la France; l’itinéraire suit en général les grands fleuves.  Orléans – Tours – Nantes – Bordeaux – Toulouse – Marseille – Lyon – Troyes – Paris…

Les “voyages” s’étendent désormais à l’Allemagne (“Zimmerman”), la Belgique, la Suisse et même jusqu’aux USA.

Sa durée varie : 6 mois à un an ou même de 2 à 10 ans !

Ce voyage emprunte un parcours jalonné d’auberges propres à chaque Société : les cayennes ou chambres ou  maisons. Elles sont  tenues par “une Mère”. Elue sur des critères rigoureux de moralité, celle-ci  jouit d’une grande autorité ;elle est entourée d’un profond respect : c’est “notre Mère” et jamais “Madame”.

 “La Mère” est celle qui accueille, restaure, conseille, éduque et même instruit parfois… Ainsi,  Brigitte Thomas-Sudre avait-elle constitué une vraie bibliothèque dans sa cayenne de Nîmes, permettant aux Compagnons d’accéder à la culture ! Toujours en avance et volontiers “iconoclaste”, elle avait baptisé sa maison ” Maison de tous les Compagnons” avec feu son mari lui-même Compagnon (“imagier sur pierre” = sculpteur) ; elle avait aussi  prononcé une sorte de discours lors du banquet de son intronisation…
 

       Le TRAVAILescalierimg010img012        Bronze

 

Des chefs-d’œuvre

 

“Gloire au travail, mépris à la paresse, le travail et l’honneur, voilà notre richesse”, cette devise figurant sur une lithographie des Compagnons Charpentiers du Devoir illustre bien le sens donné au travail par les Compagnons.

Il ne s’agit pas seulement de gagner sa vie mais de s’élever à titre personnel, spirituel même, par le travail. Non à l’asservissement et oui à la défense des libertés ! Le Compagnon recherche toute sa vie durant à se perfectionner et à appprendre. Mais, il se fait aussi un devoir de transmettre les secrets du métier, les tours de mains…

                                                      ———————————————————-

 

 

               “l’Homme pense parce qu’il a une main”

(Anaxagore 500-428 av JC)   

 Hommage à Jean- Michel MATHONIÈRE et Laurent BASTARD , fidèles amis de notre conférencière qui l’ont soutenue et aidée dans la préparation de cette prenante conférence.

Le premier est le Fondateur et directeur du Centre d’Etude des Compagnonnages; essayiste et historien sur le Compagnonnage et plus particulièrement spécialiste des Compagnons Tailleurs de pierre

Le second est le Conservateur du Musée du Compagnonnage de Tours. Ce musée rassemble des chefs-d’oeuvre, archives et souvenirs provenant des trois sociétés du Compagnonnage d’aujourd’hui.

 09mains jointes

moulage des mains d’Amédée Puisais( 1893-1992)

“La Gaité de  Rochecorbon”, Compagnon plâtrier du Devoir

                             Les illustrations sont extraites du “Guide. Musée du Compagnonnage. Tours.”