Découvrir Saint-Alban-sur-Limagnole.

 

Mettons nos pas dans ceux de notre guide du jour, Marie-Hélène Soubiran qui connaît  – comme sa poche – vieilles maisons, ruelles, église et château de son village !

3 décembre…l’automne nous offre encore une journée de grand beau temps…margeridien ciel bleu et soleil éclatant…la Limagnole sepente paresseusement pour aller rejoindre la Truyère…les adhérents du CER sont nombreux et impatients…la visite peut commencer…
 

 

  C’est tout d’abord l’ancienne auberge Pic, située à l’entrée du village : une des plus vieilles maisons du bourg avec son porche, sa cour et le dernier escalier à vis (XVI°).

 

A deux pas de là, nous observons l’extérieur de la maison patrimoniale de la famille Vincens, “dynastie” de notaires ayant succédé, par alliance, aux Atrasic de la Peyrouse.

C’est dans l’ancienne grange de cette maison qui comportait, en plus du logis et de l’étable, une partie agricole, que nous assistons au spectacle Scénovision , retraçant l’histoire du village contée par le facteur Auguste lors de sa dernière tournée. Très intéressant car ludique, interactif et très documenté…

 

Photo église

 

Ensuite, en cheminant par une des rues les plus typiques de St Alban, nous atteignons l’église.

 *   Elle était autrefois une chapelle de couvent, monastère ayant probablement appartenu aux moines de l’Abbaye de La Chaise-Dieu…

 *  Construite sur des soubassements mérovingiens – deux sarcophages ont été trouvés dans le sous-sol de l’ancien cimetière autour de l’église – elle comprend 3 parties bien distinctes :

           – romane : le choeur, les chapiteaux aux sculptures inattendues et une partie de la nef,

           – gothique : l’ancien portail, les enfeux des abbés à l’extérieur et la chapelle sud,

           – “moderne” datant d’après les Guerres de Religion.

 

 

Grimpons vers le château autour duquel le village s’est articulé.

  *   C’était un castrum et les artisans, des tisserands.

  *   Trois familles se sont succédé par alliances : les Apchier (ou Apcher; l’une des 8 baronnies du Gévaudan), les Louet de Calvisson et les Molette de Morangiès ( une des maisons les plus anciennes et les plus remarquables du Haut-Gévaudan [ pour des compléments :  cf “L’Armorial de Gévaudan” du Vicomte de Lescure].

On doit à ces derniers les embellissements du château, l’escalier d’honneur, les pièces d’apparat aux plafonds dit “à la française” et la superbe cour de style Renaissance italienne avec ses loggias et balustres, le tout en arkose du Rouget (hameau proche de St Alban).Tous les bâtiments  anciens sont parsemés de cette pierre tantôt rose, tantôt rouge.

  * Le château devint hôpital psychiatrique * après la Révolution.

 

Maison art brut

Cour de style Renaissance italienne

 

Nous terminons notre visite par l’ancien cimetière réservé aux malades mentaux , ensevelis à l’écart du village ; ce lieu a inspiré à Paul Eluard son très beau poème ” Le cimetière des fous “ alors qu’il s’y était réfugié en 1943.Ce texte a été gravé sur les stèles de granit poli , dans les années 1980, à l’initiative de la municipalité d’alors. C’est aussi en hommage aux maquisards blessés et soignés par les médecins de l’hôpital. Certains y sont décédés et y ont été ensevelis anonynement. Dans ce lieu de mémoire se trouvent encore aujourd’hui les tombes des parents du médecin François Tosquelles

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Le soleil décline lentement et l’horizon rougeoit…Merci Marie-Hélène pour cet après-midi de découvertes architecturales, historiques et patrimoniales ...

 

 

           *  “L’hôpital psychiatrique”

 

L’hôpital de St Alban  – Hôpital François Tosquelles – est un haut lieu de la psychiatrie car il est “le berceau de la psychothérapie institutionnelle “. Celle-ci considère les aliénés comme des individus à part entière et non pas uniquement comme de simples “fous”. Ainsi l’hôpital devient un lieu de vie ouvert, avec des activités diversifiées.” Le soin de la folie passe par la maîtrise du milieu interhumain dans lequel évolue l’hôpital”, telle est la volonté des psychiatres novateurs.

A St Alban, les “chevilles ouvrières ” de tous les processus de transformation de l’hôpital sont les docteurs François Tosquelles*, Lucien Bonnafé, Paul Balvet et André Chaurand.

 

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, l”hôpital saint-albanais devient un lieu d’effervescence artistique et intellectuelle  (“Art brut”**) mais aussi de résistance. En effet, il abrite dès 1943 un mouvement de résistance clandestin animé par les docteurs Tosquelles et Bonnafé. Les médecins, les religieuses, le personnel et les patients cachent et soignent les maquisards blessés et des personnalités “réfugiées” .

Parmi celles-ci : Paul ELUARD ( Eugène Grindel.1895-1952) et sa femme Nusch ELUARD ( Maria Benz 1906-1946),

                        Tristan TZARA (Samuel Rosenstock.1896-1963) , écrivain, poète, essayiste de langues roumaine et française l’un des fondateurs et chef de file du “Dadaïsme” et de “l ‘Art nouveau”,

                       Gérard VULLIAMY (1909-20005) peintre surréaliste et abstrait puis non figuratif. Second époux de Cécile Eluard, fille du poète et de  [Gala (muse de Dali) sa 1° épouse],

                       Jacques MATARASSO (1916-2015) libraire , l’un des plus fins bibliophiles français. Admirateur des surréalistes, il les fait connaître en exposant leurs livres dans la librairie fondée par son père. Pendant la guerre, il échappa plusieurs fois à la Gestapo,

                       Denise GLASER (1920-1983) célèbre pour son émission télévisée “Discorama”. A St Alban, elle s’occupait des enfants du Villaret.

 

** Art brut”:  dénomination créée par  Dubuffet pour désigner l’art des marginaux, des prisonniers, des reclus, des fous, des anarchistes , mystiques ou révoltés.

 

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Oeuvres d’Auguste Forestier

 

Plusieurs artiste viennent de l’hôpital de St Alban : Auguste FORESTIER ( 1887 Langogne – 1958 St Alban) qui, dès 1930 “fabrique” des figurines habillées de matériaux de récupération. Découvert par Eluard qui montrera 3 de ses sculptures à Picasso, Queneau et Dubuffet ( il viendra à St Alban rencontrer l’artiste en septembre 1945).

                                                                          Marguerite SIRVINS (1890-1957. Lozérienne)) aquarelles et broderies, 

                                                                          Clément FRAISSE (Lozérien 1901-1980)  sculptures sur les boiseries de sa “cellule”.   

                                                                         

 

* François TOSQUELLES ( Francesc Tosquelles Llauradó)

Né le 22 août 1912 à Reus (Catalogne) et décédé le 28 septembre 1994 à Granges-sur-Lot (France).

Après la défaite républicaine et “La Retirada” de 1939, ce médecin catalan, menacé par le régime franquiste, se réfugie d’abord dans le camp de Septfonds puis  il est accueilli en 1940 à l’hôpital de St Alban par  Paul Balvet..

Le gouvernement d’alors ne reconnaissant pas son diplôme espagnol de psychiatre qu’il avait en arrivant en France, François Tosquelles refait toute sa formation pour “re-devenir” psychiatre ! Naturalisé Français en 1948. Il travaillera à St Alban jusqu’en 1962, en ayant été le directeur à partir de 1953.

Avec ses confrères, il peut être considéré comme l’un des fondateurs de la psychothérapie institutionnelle  qui va bouleverser la psychiatrie française ; il fera rayonner cet hôpital qui porte désormais son nom depuis 1990, même si, aujourd’hui en raison des impératifs gestionnaires, l’esprit de François Tosquelles semble bien loin !

 

Photo de François Tosquelles

François TOSQUELLES