Une alternative à la sépulture collective (dolmens et grottes) ou rôle complémentaire issu d’une situation de crise ?
Quand les premiers bergers des Causses étaient confrontés à un grand nombre de morts…
Les caussenards d’il y a cinq millénaires, bergers et agriculteurs, construisaient des dolmens pour leurs morts ou déposaient les cadavres dans des grottes. Ces sépultures habituelles dites “collectives” car elles ont reçu plusieurs dépôts, quelques dizaines voire plus, au cours du temps. Cependant de rares sites dérogent à ce type de traitement : “le tumulus à incinération multiple” c’est-à-dire un lieu où furent brûlées, en même temps et en une seule fois, plusieurs dizaines de corps.
La première découverte de ce genre, par le Dr Morel au Fraissinel, est antérieure à 1934. Elle concerne donc le causse de Sauveterre où l’on connaît aujourd’hui deux autres cas : Dignas et Devez Viel (au nord du village de Sauveterre) respectivement fouillés par G.Fages en 1977 et Jacques Vacquier en 1991 . Bien qu’à la retraite, ces deux “hommes de terrain” ont longuement détaillé, lors de leur conférence, avec photographies à l’appui, le résultat de leurs travaux ; un tour d’horizon synthétique touchant l’ensemble des Grands Causses ( avec les causses Noir et Larzac , documentés) a suivi.
Le tumulus X du Fraissinel recouvrait un puissant agglomérat d’os calcinés (restes de “pas moins d’une cinquantaine de sujets, probablement beaucoup plus” d’après l’auteur) contenant une remarquable série de dix lames de poignards et des grains de colliers, le tout en cuivre. Et – trouvaille unique dans ce genre de milieu – des mèches de cheveux tressés dont la combustion fut stoppée par le glissement d’une lauze.
Tumulus du Fraissinel
A Dignas, le bûcher installé sur une fosse ovalaire, creusée à l’intérieur d’une structure de plan carré (3,20m de côté) en matériaux périssables ( sorte de “maison des morts” ?) a reçu un nombre comparable de défunts : 50 axis ( 2° vertèbre cervicale) décomptés à la fouille. Ici pas de cuivre mais une importante série lithique à base de grandes lames de silex d’importation. Une datation (C-14) sur charbon de bois situe l’épisode entre 3360 et 2910 av.J-C.
Tumulus de Dignas
Au Devez Viel , un aménagement en “carapace de tortue”, érigé sur une émergence dolomitique, occupait le coeur d’un tertre circulaire à parement périphérique. Les résidus de la crémation, peut-être réalisée ailleurs, étaient répandus sur l’essentiel de l’emprise du tertre. Le mobilier associé comprend une petite perle en cuivre parmi diverses parures – dont un bracelet en bois de cerf- et de l’industrie lithique variée. Cet objet pourrait intercaler, chronologie relative, le Devez Viel entre Dignas et le Fraissinel. Datation (C-14) sur os : entre 3310 et 2898 av.J.-C. Désormais, des mesures de protection adaptées ( consolidation-restauration) assurent la sauvegarde architecturale de ce monument.
Tumulus du Devez Viel
Quant au “recrutement”, qui est aussi, probablement, la cause du choix de ce traitement particulier ( incinération multiple), l’hypothèse émise par le Dr Morel – “Seul un événement fortuit, combat ou épidémie, a pu déterminer le décès brutal d’autant d’individus…” est plausible.
Malgré le lourd handicap de la crémation, il est raisonnable d’espérer quelques éclaircissements de l’étude anthropologique approfondie des restes osseux conservés.
En terminant leur exposé particulièrement approfondi, les deux conférenciers – MM Gilbert Fages et Jacques Vacquier – ont lancé un vibrant appel pour la préservation et la valorisation de ce riche et unique patrimoine lozérien …Qu’ils soient entendus !