La France et surtout les Cévennes, fortement marquées par les huit guerres de religion qui se sont succédées de 1562 à 1598 sont « apaisées » par l’Édit de Nantes (dit « Édit de tolérance »), promulgué par Henri IV en 1598. Cet édit met fin aux guerres et accorde aux protestants des droits, dont le droit de pratiquer leur religion, ce qui assure enfin la paix. Par la suite, le protestantisme continue toutefois d’être combattu notamment sous Louis XIII par Richelieu et principalement par Louis XIV après que celui-ci ait révoqué l’Édit de Nantes de 1598 par son Édit de Fontainebleau de 1685. Catholiques et « huguenots » s’affrontent alors dans une guerre sans merci, notamment lors de la Guerre des Camisards (1702-1704), période au cours de laquelle le Roi permet le 14 octobre 1703 le « brûlement des Cévennes » occasionnant l’anéantissement de 466 villages, bourgs ou hameaux de 31 paroisses. Les persécutions ne cesseront en fait définitivement qu’en 1787 suite à l’Édit de Versailles, dit lui aussi « Édit de tolérance » (Louis XVI).
C’est sur les communes de Barre-des-Cévennes, de Saint-Germain-de-Calberte et du Collet-de-Dèze que se sont rendus une cinquantaine d’adhérents du CER BB, certes pour visiter leurs temples et églises mais aussi pour s’imprégner de cette histoire qui a marqué ces territoires. Gilbert LAUZE, membre du CER BB, qui avait revêtu pour cette journée sa casquette de guide-conférencier, explicita avec brio les éléments historiques précités, replaça ces faits marquants dans le contexte de ces trois communes cévenoles et détailla la « vie » de ces églises et temples quelquefois détruits, puis pour certains reconstruits, affichant aujourd’hui une qualité architecturale remarquable.
Il en est ainsi des édifices de la commune de Barre-des-Cévennes. L’église Notre-Dame de l’Assomption, de style roman, construite en calcaire au XIIe siècle, avec sa nef unique voutée en plein cintre, fut remaniée à de nombreuses reprises tout en conservant son élégance et son aménagement harmonieux. Le lieu du culte réformé (les cévenols adhèrent à la Réforme vers 1580) connut quant à lui des fortunes plus dramatiques. Le 1er temple construit près de l’église en 1608 fut détruit en 1663. Un second temple édifié en 1675 connut des destructions en 1680 et en 1685, après la révocation de l’Édit de Nantes. Barre-des-Cévennes où pris naissance la Guerre des Camisards échappa au grand incendie des Cévennes de 1703 parce que la commune de Barre hébergeait une importante garnison.
Destination ensuite Saint-Germain-de-Calberte. L’église construite en 1362 par le pape Urbain V fut implantée dans un territoire antérieurement mis en valeur par une communauté de moines, bâtisseurs des bancels et pionniers de l’exploitation des châtaigniers, « arbres à pain ». Un focus fut fait sur le très beau portail d’entrée du 15e siècle et sur la chaire dont les effigies des saints furent mutilées à la hache soit par les camisards soit au moment de la révolution de 1789. Quant au temple de Saint-Germain-de-Calberte, village où la présence de l’église réformée en ce lieu daterait de 1540, il fut édifié dès 1560. Cette bourgade, centre des « trois colloques des Cévennes », a été choisi par l’abbé Chayla, chargé de la répression contre les « hérétiques protestants », pour y installer un séminaire et pour entreprendre par la contrainte la conversion des « parpaillots protestants ». Détruit en 1685, le temple fut reconstruit en marge du village en 1824. De plan rectangulaire et de grande dimension, il faut noter que sa chaire à prêcher présente une belle qualité d’exécution.
Enfin, un final en beauté au Collet-de-Dèze. Le temple dont la construction en quartz et schistes a débuté en 1646 est le plus ancien temple de France. Son grand arceau central en plein cintre est remarquable et offre à l’édifice dont la décoration intérieure est sobre et simple une prestance majestueuse dans la cité. Ce temple subsista après la révocation de l’Édit de Nantes car il fut épargné par Louis XIV à la demande de la marquise de Portes ayant bénéficié d’une donation des habitants de la commune. Il fut ainsi sauvé. Pour ce qui concerne l’église qui a fait l’objet d’une récente rénovation de qualité, notons qu’elle fut construite en 1810, puis dotée d’une tour ronde en 1896 elle-même surélevée par une statue de la Vierge. Dominant le village, cette église s’impose donc comme un édifice majeur du patrimoine du Collet-de-Dèze.
Monsieur Gilbert Lauze, guide
Gilbert, notre guide-conférencier fut accompagné dans ses développements au temple de Saint-Germain-de-Calberte par M. Robert BENOIT, professeur d’histoire de la faculté d’Aix-en-Provence et au temple du Collet-de-Dèze par M. Maurice AIGOIN, prédicateur protestant de la Vallée Longue. Merci à eux trois pour leurs précieuses interventions.
Notons que ces « nourritures intellectuelles » furent agréablement complétées par d’excellentes « nourritures terrestres » au cours d’un succulent déjeuner pris au restaurant Lou Raïol au Pendedis.